Au cours du processus de fusion des corps techniques supérieurs du ministère de l’Équipement, la question de la formation initiale à transmettre au « nouveau » corps des Ponts et Chaussées apparaît, pour tous, comme un sujet fondamental. S’il est régulièrement évoqué, le projet d’une formation commune tarde néanmoins à être abordé dans ses détails et demeure un sujet connexe. Sa mise à l’écart n’est pas le résultat d’une quelconque négligence de la part des promoteurs de la fusion. Elle est bien davantage le fruit d’un calcul stratégique, révélateur des tensions suscitées par la réforme statutaire. Tous les protagonistes n’envisagent pas, en effet, le sujet dans la même perspective.
Les syndicats et les associations professionnelles les plus opposés à la réforme statutaire, du côté des trois corps censés fusionner avec celui des Ponts et Chaussées, considèrent que l’absence de discussion à ce sujet est révélatrice des intentions hégémoniques du corps des Ponts. Ils estiment que ses représentants (au ministère de l’Équipement ou à l’AIPC) mus par la volonté d’absorber les trois autres corps 812 , ont renoncé à mettre en place une formation qui recouvre leurs domaines de compétence. Ils dénoncent ainsi la « méthode de travail » de la réforme qui n’aurait pas permis, au stade des études de faisabilité de la fusion, « d’aborder les problèmes fondamentaux comme celui de la formation 813 ». De leur côté, les employeurs des quatre corps, favorables à la fusion, admettent que « ce thème mérite un examen particulier et approfondi en raison des enjeux qui s’y attachent 814 ». Mais ils cherchent à gagner du terrain sur les négociations interministérielles avant d’entamer les discussions sur ce délicat sujet. Il s’agit tout d’abord d’obtenir des accords en matière statutaire afin de rendre plus difficile l’éventualité d’une remise en cause du projet de création d’un nouveau corps.
Il n’en reste pas moins que, dès le stade des rapports de faisabilité de la fusion entre chacun des corps et celui des Ponts et Chaussées 815 , il est question des « enjeux que constitue la définition du cahier des charges de la formation initiale du corps après fusion 816 ». La formation est censée être à la fois le « catalyseur de la culture et de la cohésion du corps » et le garant de la compétence des ingénieurs formés pour « satisfaire les missions diversifiées des diverses entités concernées 817 ». Á la demande des syndicats notamment, la question est finalement prise en considération à la fin de l’année 1997, avec la création d’un groupe de travail ad hoc. Contredisant les craintes des défenseurs de la fusion, la réflexion collective au sujet de la formation commune va permettre de dé-conflictualiser les rapports entre les quatre corps et rassurer les représentants syndicaux les plus réticents.
Cf. à ce sujet le chapitre 2.
AIG, « Position sur le rapport CGP 96-178 », motion AIG, juin 1997. Rappelons que l’association des ingénieurs géographes avait manifesté son désaccord vis-à-vis du rapport de faisabilité de la fusion avec le corps des Ponts auprès du Premier ministre Alain Juppé (cf. chapitre 2). Lettre du président de l’association des ingénieurs géographes au Premier ministre Alain Juppé, Paris, le 4 avril 1997. Source : DPS, documents internes.
NI (DPS), réunion du « Directoire », op. cit., 5 mai 1998.
Rappelons que le premier, rédigé entre les ingénieurs de Météo France et ceux du corps des Ponts, date d’avril 1995. Il est suivi, en juin 1996, du rapport de faisabilité d’une fusion avec les ingénieurs de l’Aviation civile puis, en avril 1997, avec les ingénieurs géographes. Cf. chapitre 2.
Note du directeur du Personnel et des Services du ministère de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme au vice-président du conseil général des Ponts et Chaussées, commande d’un groupe de travail sur la formation, La Défense, le 7 avril 1997. Source : DPS, documents internes.
Idem.