Section 2.  La formation du corps, tout contre le Ministère

Au cours des quarante dernières années dont nous avons analysé les évolutions, les réformes de la formation à l’École des Ponts ont quelquefois suscité des critiques au sein du Ministère, notamment de la part des responsables des administrations centrales réputées les plus « techniciennes ». Les réformes qui ont été discutées et mises en place au début du vingt-et-unième siècle constituent un moment de nature différente. C’est la première fois que la formation fait l’objet d’une contestation de telle ampleur (cf. chapitre 3) et qu’elle subit une transformation de cette envergure, avec l’instauration inédite d’une formation à part entière pour les élèves du corps (cf. introduction). D’un intérêt jusqu’alors relativement marginal pour les représentants du Ministère, la formation est en effet apparue comme l’un des rouages essentiels de la désaffection du corps des Ponts à l’égard de la tutelle. Les évolutions engagées par l’École vont ainsi faire l’objet d’une vive mise en cause qui a en partie contribué à déterminer les contours et le contenu du mastère d’action publique (A.). Entièrement consacré à des enseignements qui ne relèvent pas des sciences pour l’ingénieur, le MAP porte paradoxalement un coup d’arrêt au processus de dé-différenciation de la formation. En effet, les « sciences sociales » qui composent son programme épousent strictement les sphères d’activité du ministère de l’Équipement et visent à réhabiliter le corps des Ponts aux yeux du public (B.). Au-delà du travail sur l’image publique du corps que les enseignements du mastère encouragent, il s’agit également de repositionner les ingénieurs des Ponts et Chaussées de manière stratégique au sein des évolutions de l’action publique. Par les représentations qu’elle véhicule et les « prescriptions de rôle 1508  » contenues dans les enseignements, la formation vise à renforcer le corps et à le rapprocher d’un ministère de l’Équipement dont elle exalte les missions (C.).

Notes
1508.

BRIQUET Jean-Louis, « Communiquer en actes… », Politix, op. cit., 1994.