Après avoir successivement porté notre regard sur les évolutions de la formation dispensée au sein de l’École nationale des Ponts et Chaussées, puis sur le contenu de la formation actuelle du corps des Ponts fusionné, et enfin sur un projet d’internationalisation qui nous semble témoigner des clivages stratégiques entre l’École des Ponts et le ministère de l’Équipement ayant pour enjeu le corps, nous souhaitons à présent nous pencher sur les évolutions récentes de la trajectoire scolaire des élèves fonctionnaires. Nous entendons par là quelques-unes des différentes étapes que recouvre le terme de gestion des « ressources humaines » tel que l’entendent les sciences de gestion 1813 . Celui-ci qualifie dans cette acception une série de « moments », du recrutement à l’affectation, au déroulement de la carrière en passant par la formation. Si la gestion des « ressources humaines » au sein de l’État est régulièrement fustigée dans des rapports au ton alarmiste qui exhortent l’État employeur à se réformer en profondeur 1814 , peu d’études sociologiques se penchent en effet, au-delà de ces incantations, sur les modalités concrètes de cette gestion, ses principaux acteurs, les enjeux qu’elle soulève et les rapports de force dont elle peut faire l’objet.
Nous proposons ici de nous intéresser à deux phases de la politique menée par la direction des « ressources humaines » du ministère de l’Équipement, en amont et en aval de la formation. Nous analyserons tout d’abord le moment du recrutement dans le corps des Ponts et Chaussées, à la sortie de l’École polytechnique. C’est la nature du discours tenu en direction des candidats polytechniciens et ses récentes évolutions que nous proposons ici d’étudier. Il s’agira ainsi de mettre au jour l’évolution des impératifs qui président à la présentation de la formation scolaire et à la description des métiers ouverts à sa sortie. Puis nous nous pencherons sur le processus qui conduit les jeunes hauts fonctionnaires du corps à « prendre » leur premier poste, à la fin de leur scolarité. Selon quelles modalités les accompagne-t-on dans leur décision ? Quels impératifs gouvernent cette orientation ? De quelles marges de manœuvre bénéficient-ils et dans quelle mesure celles-ci ont-elles été réduites ?
Dans un souci d’exposition, notre plan suit les évolutions qui ont récemment conduit le corps des Ponts d’une gestion traditionnellement libérale et soucieuse des situations individuelles et personnelles de ses membres (A.), à une gestion jugée « stratégique » qui présente un caractère plus impérieux et témoigne d’une reprise en main du corps par les services gestionnaires du ministère de l’Équipement (B.)
Cf. à ce sujet : CHANUT Véronique, L’État didactique, op. cit., 2004.
Par exemple : Groupe des associations de la haute fonction publique, Rapport : L’encadrement supérieur de l’État : pour une dynamique de modernisation, Paris, mars 2002, p.4.