La syllabe, une unité privilégiée pour l’accès au lexique

Une syllabe est un segment de parole constitué au minimum d’une consonne et d’une voyelle. Décrite dans la littérature comme « l’unité fondamentale de la parole » et « l’élément de base pour la classification dans la compréhension de la parole et l’accès au lexique » (Mehler, 1981 ; Mehler, Dupoux & Segui, 1990 ; Segui, 1984 ; Segui, Dupoux & Mehler, 1990 ; Pallier, 1994) ; la syllabe semble être une unité perceptive pertinente pour la reconstruction de la parole, cependant, cette théorie est très controversée et fait l’objet de nombreux débats.

D’après les travaux de Mehler, Segui & Frauenfelder (1981), la syllabe est probablement le produit d’un mécanisme de segmentation opérant sur le signal acoustique. C’est une unité de perception universelle qui sert d’interface entre le signal de parole et le lexique mental. Les auteurs s’appuient sur des expériences comportementales qui montrent que les temps de détection des syllabes sont inférieurs aux temps de détection des phonèmes. Ces travaux ont cependant été largement critiqués par Cutler & Norris (1988) qui montrent qu’en anglais, les attaques des syllabes fortes constituent des points d’alignement pour les processus de recherche lexicale sans que le signal soit catégorisé en unités syllabiques. Les travaux de Marslen-Wilson (1987) contredisent ceux de Mehler, et al. (1981) en montrant que l’accès au lexique mental est un processus continu qui débute dès les premiers sons d’un mot. La rapidité du processus de reconnaissance des mots parlés n’est pas compatible avec l’idée selon laquelle le processus d’accès au lexique attendrait la fin de la réalisation acoustique de la première syllabe.

En fait, la syllabe jouerait un rôle spécifique à chaque langue (Cutler, McQueen, Norris & Somejuan, 2001). En français, les syllabes ne sont pas, comme le pensait Mehler (1981), des unités de perception que l’auditeur utilise pour classifier le signal sonore avant l’accès au lexique ; mais ce sont plutôt des fragments de référence sur lesquelles on se base pour segmenter le signal de parole lors de son analyse lexicale (Frauenfelder & Content, 1999 ; Content, Dumay & Frauenfelder, 2000). Le rôle de la syllabe dans la segmentation lexicale du français provient de son rôle dans la structure rythmique de cette langue. Le lexique s’organiserait donc de façon pertinente en choisissant des indices spécifiques à chaque langue pour construire les représentations lexicales. Les représentations qu’il conserve sont extrêmement solides. Ainsi, d’un percept flou va émerger une seule et unique signification. L’effet attracteur du lexique mental va pouvoir aider, par exemple, à percevoir un signal de parole doté de sens à l’intérieur d’un signal complexe tel un brouhaha. Il est possible de montrer expérimentalement l’intervention du lexique dans différentes tâches langagières. Nous allons décrire différentes études mettant en évidence l’intervention du lexique mental dans la compréhension du signal de parole.