Déficit de perception de la parole

De récentes études mettent en avant l’idée que les dyslexiques présenteraient des troubles de la perception de la parole (McBride-Chang, 1995, pour une revue). Les travaux de recherche sur la dyslexie ont déjà utilisé des paradigmes expérimentaux tels que la perception de parole dans un bruit de fond. Les travaux de Brady, Shankweiler & Mann (1983) ont montré une différence significative dans une tâche de répétition de mots présentés dans le bruit entre des enfants de neuf ans faibles lecteurs et leurs contrôles. Aucune différence n’était observée entre les deux groupes dans le silence. De même, les travaux de Chermak, et al. (1989), ont montré chez des adultes présentant un trouble global d’apprentissage, des scores d’identification de mots dans le bruit plus faibles que ceux du groupe sans trouble d’apprentissage. Des résultats identiques ont été obtenus par Watson & Miller (1993) avec la présentation de syllabes CV dans le bruit. D’autres études, utilisant des phrases dans le bruit constatent que des enfants (souffrant de troubles du langage ou de l’audition) présentent des difficultés à percevoir correctement les phrases dans le bruit (Stollman, Kapteyn & Sleeswijk ; 1994 ; Bradlow, Kraus & Hayes, 2003). De plus, des études neurophysiologiques ont montré chez des dyslexiques des difficultés pour encoder des stimuli de parole présentés dans le bruit (Wible, Nicol & Kraus, 2002). Un déficit de perception de la parole a même été observé chez des enfants pré-lecteurs présentant un risque génétique pour la dyslexie (Boets, Ghesquière, Wieringen & Wouters, 2007).

Une étude électrophysiologique de Schulte-Körne, Deimel, Bartling & Remschmidt (2001) utilisant la Mismatch Negativity (MMN) a comparé l’amplitude des ondes MMN produites par de la parole chez un groupe d’adultes dyslexiques et un groupe contrôle. Les auteurs observent une MMN d’amplitude réduite pour le groupe dyslexique lors d’une tâche de perception passive de parole. Cependant, aucune différence n’est observée entre les deux groupes lorsqu’il s’agit de perception de tonalités. L’atténuation de la MMN dans la condition de parole pourrait signifier que les dyslexiques présentent un déficit perceptif spécifiquement lié à la perception de la parole. Ce déficit pré-attentionnel développé pendant l’enfance est un dysfonctionnement qui persiste à l’âge adulte. Ces données s’ajoutent à celles de Kujala, Myllyviita, Trevaniemi, Alho, Kallio & Näätanen (2000) qui montrent un déficit des traitements auditifs chez des dyslexiques adultes, notamment des difficultés à discriminer des sons déviants (reflétées par l’absence de MMN). Ce type d’études en potentiels évoqués ouvre de nouvelles possibilités de dépistage précoce de la dyslexie.

L’étude de Ziegler, Pech-Georgel, George, Alario & Lorenzi (2005) a montré chez les enfants SLI (Specific Language Impairment) qu’un déficit dans la perception de la parole peut prédire des troubles de l’apprentissage du langage. Le terme SLI regroupe les enfants qui présentent des difficultés de compréhension et de production du langage parlé malgré une intelligence normale, une audition normale, un environnement normal d’apprentissage du langage et en l’absence de trouble neurologique évident. Le but de l’étude était de déterminer la nature acoustique/phonétique du potentiel déficit de perception de la parole chez les enfants SLI. Les résultats ont montré des différences de perception de la parole peu significatives entre enfants SLI et enfants contrôles dans le silence, mais significatives dans le bruit. Notamment le trait de voisement était assez bien conservé dans le bruit chez les enfants contrôles alors qu’il était très mal préservé chez les enfants SLI. Ce déficit de perception de la parole (concernant le voisement) observé chez les SLI pourrait interférer directement avec le développement des représentations phonologiques. L’autre constat important de cette étude est le fait que dans un bruit fluctuant, les enfants SLI présentent de moins bonnes performances que dans le silence cependant, leurs performances sont constantes que le bruit soit modulé à haute fréquence (128 Hz modulations rapides) ou a basse fréquence (4 Hz modulations lentes). Ce résultat permet de penser que le déficit des enfants SLI n’est probablement pas dû à un problème de résolution temporelle ou spectrale. Il semblerait donc que les troubles des SLI ne proviennent pas d’un déficit de bas niveau mais plutôt d’un déficit central.