Introduction à la partie expérimentale. Problématique et hypothèses

Introductionà la partie expérimentale
Une approche pluridisciplinaire

Le but de ces travaux de thèse était d’explorer le phénomène de reconstruction de la parole dégradée à travers les processus cognitifs ascendants et descendants impliqués. Pour ce faire, nous avons utilisé plusieurs approches : la psycholinguistique expérimentale, et l’exploration physiologique du système auditif, cela chez des populations saines et des patients présentant des troubles du langage.

La psycholinguistique étudie les processus cognitifs mis en œuvre pour le traitement du langage. Elle s’intéresse notamment à l’accès au lexique mental. Les mesures d’intelligibilité des signaux de parole que nous dégradons permettent d’étudier ces influences ascendantes et descendantes. La reconstruction des pseudomots (items respectant les contraintes phonotactiques du français, qui ressemblent à des mots mais qui n’ont pas de signification) nous permet d’étudier l’implication des informations ascendantes. Effectivement, étant donné que les aides lexicales pouvant intervenir sont réduites, le traitement des pseudomots repose principalement sur l’exploitation des informations sensorielles auditives. Lors de l’écoute d’un pseudomot, les recherches lexicales n’aboutissent à aucune entrée connue. Les connaissances descendantes se limitent aux phonèmes reconnus, éventuellement aux syllabes. La reconstruction des mots nous permet d’observer l’intervention des connaissances lexicales qui viennent compléter les informations d’origine sensorielle. Enfin, en comparant les performances des auditeurs pour les mots et les pseudomots, il est possible d’inférer l’influence des connaissances lexicales sur la compréhension du message parlé.

Le paradigme expérimental que nous utilisons pour les expériences psycholinguistiques décrites dans cette thèse consiste à dégrader artificiellement la parole humaine pour « forcer » le système cognitif à reconstruire le message verbal et nous permettre d’observer cette reconstruction.

Les tests audiométriques nous donnent accès à des caractéristiques individuelles du système auditif qui entrent en jeu dans la perception de la parole ; notamment, le fonctionnement du système auditif efférent est très différent d’un individu normo-entendant à l’autre (Veuillet, Duclaux & Collet, 1991) et reflèterait la latéralisation des cortex auditifs (Khalfa, et al., 2001). Les données audiométriques apportent des informations concernant les processus ascendants et un éclairage intéressant sur les variabilités interindividuelles de l’audition. Nous verrons qu’il est judicieux de s’attarder sur la variabilité interindividuelle car la compréhension de la parole dégradée est sujette, elle aussi, à des différences de performances très importantes. Il sera intéressant de réfléchir sur cette variabilité et particulièrement judicieux de mettre en correspondance la variabilité interindividuelle auditive et celle liée aux capacités de compréhension de la parole dégradée.

Enfin, l’étude d’une pathologie du langage permet d’observer le phénomène de reconstruction au sein d’un système cognitif en difficulté pour traiter le langage. Ces observations pourraient nous permettre de mieux appréhender les mécanismes de reconstruction chez le sujet sain en évaluant la différence de performances due au trouble dyslexique.