Stratégies lexicales

Les pseudomots se sont montrés plus difficiles à reconstruire que les mots. Cela est cohérent car un pseudomot ne possède pas de valeur sémantique et ne peut donc pas bénéficier de l’aide lexicale per se. Nous avons voulu savoir, pour un participant donné, si les performances de restitution des pseudomots diminuaient dans les mêmes proportions que les performances obtenues pour les mots. Pour ce faire, nous avons comparé entre elles les courbes de perte d’intelligibilité pour les mots et les pseudomots (représentation propre à chaque participant du pourcentage de reconstruction correcte en fonction de l’inversion). Nous avons de ce fait pu observer la variabilité des performances entre participants pour les différents types d’inversion. Dans l’ensemble, une faible variabilité interindividuelle a été observée (en moyenne, DS = 4.1 pour les mots, DS = 4.39 pour les pseudomots). Cependant, pour les pseudomots en condition I0.5 nous avons observé une variabilité très importante : les 50 participants obtenaient entre 48 % et 92 % de reconstruction correcte en moyenne, la variabilité interindividuelle était très large : DS = 10.69. Pour cette condition précise, certains participants n’étaient pas dérangés par l’inversion d’une demi-syllabe et percevaient le stimulus comme s’il était intact alors que d’autres étaient profondément perturbés par la dégradation et ne parvenaient pas à percevoir correctement la seconde syllabe pourtant intacte. Cette variabilité interindividuelle était inattendue et intrigante car nous ne l’avons observée que pour cette condition particulière (I0.5) et uniquement pour les pseudomots. Nous avons voulu savoir s’il y avait un lien entre cette variabilité des performances obtenues pour les pseudomots et les performances de restitution des mots. Nous avons séparé les 50 participants en deux groupes de niveau par rapport à leur score moyen de restitution des pseudomots pour la condition I0.5. Les 25 participants les moins bons obtenaient 62.6 % (DS = 7.85) de restitution correcte en moyenne et les meilleurs 79.8 % (DS = 4.27) pour la condition I0.5. Les scores moyens de reconstruction étaient significativement différents entre les deux groupes (F1(1, 48) = 92.17 ; p<.0001). Cependant, cette tendance ne s'observait pas lorsque l’on comparait les scores obtenus pour les mots pour cette même condition I0.5. Le groupe des bons reconstructeurs réalisait un score de 87.3 % (DS = 6.14) alors que le groupe des mauvais reconstructeurs rattrapait son retard en obtenant 89.2 % (DS = 5.1) de reconstruction correcte. Les scores moyens de reconstruction des mots pour la condition I0.5 n’étaient pas significativement différents entre les deux groupes (F1(1, 48) = 1.44 ; n.s.).

Ainsi, les participants présentant quelques difficultés à reconstruire les pseudomots n’avaient pas des performances très différentes des autres participants testés lorsqu’il s’agissait de vrais mots. Ces résultats pourraient indiquer que les participants auraient eu recours à des stratégies lexicales pour reconstruire les mots de façon extrêmement variable, certains participants pourraient avoir eu la nécessité de compenser la perte d’intelligibilité par des stratégies lexicales alors que d’autres non. Revenons à présent sur le résultat qui nous a le plus surpris : la variabilité interindividuelle.