Variabilité interindividuelle en l’absence de compensation lexicale

Comme nous venons de le voir, la condition I0.5 des pseudomots présentait une très importante variabilité interindividuelle (Figure 12). En effet, si les réponses des participants étaient relativement semblables pour les conditions I0, I1, I1.5 et I2, ce n’était pas le cas pour la condition I0.5 pour laquelle certains participants ne semblaient pas perturbés par la détérioration alors que d’autres au contraire étaient très gênés et ne parvenaient pas à effectuer la tâche de reconstruction.

Figure 12 : Effet du type d’inversion sur la restitution de pseudomots (chaque courbe représente les résultats individuels d’un participant).

Cette imposante variabilité interindividuelle (DS = 10.69) n’était pas présente pour la restitution des mots. Elle serait donc spécifique au processus de reconstruction des pseudomots qui, bien qu’étant considérés comme de la parole, ne sont pas stockés en mémoire au niveau des représentations intégrées comme les mots de la langue. La reconstruction cognitive des pseudomots inversés se base majoritairement sur les informations perceptives ascendantes véhiculées par le système sensoriel auditif, mais bénéficie également de l’aide de connaissances sur la langue comme les contraintes phonotactiques et les probabilités de juxtaposition des syllabes. Le traitement cognitif des pseudomots ne bénéficie pas en revanche des aides lexicales dont disposent les mots. Nous nous sommes alors interrogés sur les causes de cette variabilité interindividuelle. Les participants à l’étude étaient tous jeunes et sans trouble auditif, alors pourquoi présentaient-ils des performances aussi disparates ? Nous avons vérifié que cette variabilité n’était pas liée au genre des participants ni à leur latéralité manuelle. Nous avons dans un second temps pensé que cette variabilité pouvait provenir de différences entre participants au niveau perceptif, c’est à dire au niveau de leurs systèmes auditifs. Les voies auditives descendantes interviennent potentiellement dans la perception de la parole mais de façon inconstante entre individus (Veuilllet, Collet & Bazin, 1999). Nous nous sommes demandé si la fonctionnalité des voies auditives des participants pouvait avoir un lien avec les résultats comportementaux observés. Nous aborderons cet aspect audition et traitements de bas niveaux après avoir exploré les mécanismes de reconstruction de mots et pseudomots inversés chez une population d’adultes dyslexiques.