Discussion

Dans un premier temps, nous pouvons noter que nos résultats ne répliquent pas ceux rapportés par Giraud, et al. (1997). Ces auteurs avaient montré une corrélation entre la fonctionnalité du SEOCM et les performances d’intelligibilité de la parole dans le bruit. Nous ne retrouvons pas de tels résultats, ce qui peut s’expliquer par le fait que les auteurs avaient ajouté un bruit controlatéral pour activer le SEOCM durant les tests d’audiométrie vocale. En effet, les performances d’intelligibilité augmentaient avec la présence de ce bruit. Les conclusions de l’étude étaient que l’activation du SEOCM avait amélioré les performances de perception de parole dans le bruit. Giraud, et al. (1997) considèrent le SEOCM comme une sorte de filtre inhibiteur qui permettrait au système auditif de mieux percevoir les caractéristiques acoustiques pertinentes du signal de parole lorsque celui-ci est détérioré.

Le bon fonctionnement du SEOCM se caractérise par sa force de suppression des OEAs et par sa latéralisation (c'est-à-dire par la différence de suppression entre le SEOCM droit et le SEOCM gauche). Pour les droitiers, plus la latéralisation (donnée par le QL) est négative, plus les voies auditives descendantes sont fonctionnelles. Nos résultats montrent que le groupe HP possédait un système efférent en moyenne plus inhibiteur et plus latéralisé à droite que le groupe BP. Les AE droites étaient significativement différentes entre les deux groupes et montraient un large avantage du groupe HP. Aucune différence d’AE n’a été observée entre les deux groupes concernant l’oreille gauche. Les QL étaient significativement différents entre les deux groupes : Le groupe HP possédait de meilleurs systèmes efférents que le groupe BP, car le groupe HP possédait des SEOCM globalement plus inhibiteurs que le groupe BP et surtout des SEOCM plus suppresseurs du côté droit que du côté gauche. Or, c’est le groupe HP qui avait obtenu les meilleures performances comportementales. Nous constatons donc que plus l’asymétrie auditive des participants est marquée (en faveur de l’oreille droite), plus leurs performances comportementales sont bonnes. Ce résultat est confirmé par la corrélation observée entre les performances comportementales et les QL des participants.

Ces résultats et en particulier les corrélations observées, ne semblent pas pouvoir être interprétés comme révélant un rôle direct du SEOCM sur la reconstruction de la parole dégradée. En effet, bien que le SEOCM soit un processus descendant qui fonctionne du cortex vers la périphérie, il appartient au système auditif sensoriel (c’est un rétrocontrôle du système auditif), et ne provient pas de structures suffisamment intégrées pour véhiculer des informations linguistiques. De plus, nous savons que le SEOCM est activé dans le bruit d’après les travaux de Kawase & Liberman (1993) et Kawase, Delgutte & Liberman (1993) chez l’animal ayant montré que l’activation du système efférent peut améliorer l’audition dans le bruit par un effet d’anti-masquage. Chez l’humain, les études de Micheyl, Collet et leurs collaborateurs, (Micheyl & Collet 1996 ; Micheyl, Perrot & Collet, 1997 ; Micheyl, Khalfa, Perrot & Collet, 1997), avaient montré une relation entre l’activité du SEOCM et la détection de tonalités dans le bruit ainsi que les capacités de discrimination entre différentes intensités dans le bruit. Concernant la parole dans le bruit, les travaux de Giraud, et al. (1997) avait montré qu’une faible activité du SEOCM était liée à une intelligibilité de la parole dans le bruit réduite chez les adultes. Kumar &Vanaja (2004) ont répliqué ces résultats chez les enfants.

Ces travaux présentent le point commun d’avoir observé ces améliorations d’intelligibilité de la parole dans du bruit. Concernant nos travaux, nous ne pouvons pas garantir que le SEOCM des participants était réellement actif pendant la tâche de compréhension de la parole inversée car si la parole était effectivement dégradée, la tâche ne mettait pas en jeu la présence de bruit. Ainsi nous pensons qu'une autre interprétation que l’intervention directe du SEOCM dans les performances d'intelligibilité doit être envisagée pour interpréter les corrélations observées. Nos proposerons une alternative dans la discussion générale de cette partie. Pour la suite de nos travaux, nous avons envisagé une tâche d’intelligibilité de parole dans le bruit afin de pouvoir réellement comparer les données recueillies (comportementales et mesures de système efférent) avec les travaux de la littérature. Nous verrons les expériences portant sur la parole dans la parole dans la deuxième moitié de cette partie expérimentale (Partie B) mais tout d’abord, nous allons présenter les mesures auditives recueillies chez les participants dyslexiques.

En nous appuyant sur des travaux antérieurs ayant montré un dysfonctionnement des voies auditives descendantes chez des enfants souffrant de troubles de l’apprentissage (Veuillet, et al. 1999), nous avons émis l’hypothèse que les participants dyslexiques à nos expériences pourraient présenter eux aussi un trouble au niveau du système auditif efférent. Nous avons donc pratiqué des mesures auditives chez les participants dyslexiques dont nous allons à présent examiner les résultats.