Rappel des résultats obtenus

Participants normo-lecteurs

Pour la tâche de reconstruction de mots inversés chez les normo-lecteurs (expérience 1a), nous avons observé une perte d’intelligibilité croissante avec l’augmentation de la taille des inversions temporelles du signal de parole. Ce résultat était attendu car déjà observé par Greenberg & Araï (2001) en anglais avec des fenêtres d’inversion de différentes longueurs et par Meunier, et al. (2002) en français qui avaient utilisé également des fenêtres d’inversions de différentes longueurs. Ce résultat a été discuté dans la partie B.

Nous avons également observé des effets psycholinguistiques sur la restitution des mots dégradés. Nous avons obtenu un fort effet de la fréquence d’occurrence des mots dans la langue : les mots cibles étaient mieux reconstruits s’ils avaient une forte fréquence. Nous avons également observé un effet du nombre de voisins phonologiques. Les mots cibles qui possédaient de nombreux voisins étaient moins bien restitués que les mots possédant peu de voisins phonologiques. Ces résultats reproduisent des effets bien décrits dans la littérature avec un paradigme nouveau. À notre connaissance, ces effets psycholinguistiques n’avaient jamais été démontrés à l’aide d’un matériel verbal expérimental dégradé par inversion. Nous renvoyons le lecteur à la partie B. pour la discussion des effets psycholinguistiques.

Pour la tâche de reconstruction de pseudomots inversés chez les normo-lecteurs (expérience 1b) nous avons observé que les performances de restitution des pseudomots diminuaient avec l’augmentation de la portion de signal inversée. Les résultats indiquent que malgré la distorsion acoustique, les participants étaient capables de reconstruire le signal d’origine. On observait également un effet de supériorité du mot (les mots étaient mieux reconstruits que les pseudomots) et parfois les participants donnaient en réponse un vrai mot à la place d’un pseudomot. Cet effet de supériorité du mot s’explique par l’activation des connaissances lexicales qui aident la reconstruction des mots dégradés. Cet effet, ainsi qu’une explication à l’aide du modèle TRACE de l’émergence de mots à la place de pseudomots, ont été exposés dans la discussion de la partie B.. Pour approfondir nos résultats, nous projetons de comptabiliser le nombre de voisins phonologiques (correspondant à de vrais mots) des pseudomots que nous avons utilisés et de faire une analyse comparative des performances de reconstruction des pseudomots possédant beaucoup de mots voisins phonologiquement proches et des pseudomots possédant peu de mots voisins phonologiquement proches.

Notre étude présentait l’originalité d’avoir utilisé une unité linguistique explicite : la syllabe pour effectuer les inversions temporelles. Les résultats montraient la saillance de la syllabe pour la compréhension du français car pour une dégradation inférieure à une syllabe, nous avons vu qu’il était possible de reconstruire le signal alors qu’au-delà d’une syllabe dégradée les performances chutaient à quelques pourcents de reconstruction.

En comparant les performances de reconstruction des mots et des pseudomots, nous avons observé que pour les mots, les inversions de taille inférieure à une syllabe étaient facilement surmontées et que les participants étaient la plupart du temps capables de reconstruire la partie de signal dégradée. Ce n’était pas le cas pour les pseudomots. La condition I0.5 chez les participants normo-lecteurs a donné lieu à une variabilité interindividuelle très importante. Certains participants étaient très perturbés par la dégradation d’une demi-syllabe alors que d’autres n’étaient pas du tout gênés et parvenaient la plupart du temps à reconstruire le pseudomot cible. Nous nous sommes interrogés sur l’origine possible de cette variabilité interindividuelle. Le fait qu’elle apparaisse uniquement pour les pseudomots a orienté nos recherches du côté des processus perceptifs auditifs. Il a été montré que les voies auditives descendantes interviennent potentiellement dans la perception de la parole mais de façon inconstante entre individus (Veuillet, et al. 1991 ; Veuillet, et al. 1999). Nous avons donc pris la décision d’explorer la fonctionnalité des voies auditives des participants. À partir des performances obtenues pour la condition I0.5 pour les pseudomots, nous avons formé deux groupes de participants, un groupe de bons reconstructeurs et un groupe de mauvais reconstructeurs. Nous avons mesuré les performances auditives de ces deux groupes de participants. Nous avons observé une différence significative entre les deux groupes pour les mesures de système efférent. Le groupe de bons reconstructeurs était plus latéralisé en faveur de l’oreille droite que le groupe de mauvais reconstructeurs. De plus, nous avons observé des corrélations négatives significatives entre les atténuations équivalentes droites des participants et leurs scores de reconstruction des pseudomots (r = -0.70) et entre leurs QL et leurs scores de reconstruction des pseudomots (= -0.51). Nous discuterons cette différence d’asymétrie après avoir rappelé les résultats obtenus pour les participants dyslexiques.