Discussion et perspectives

Rôle du système efférent olivo-cochléaire médian

Nos résultats suggèrent que le fonctionnement du système efférent chez les normo-lecteurs est lié d’une façon ou d’une autre aux performances de compréhension de la parole, cependant, le rôle exact du système efférent durant notre expérience de perception de parole reste à éclaircir. Concernant le groupe de dyslexiques, nous n’avons pas observé de corrélation entre performances de reconstruction et fonctionnement du système efférent. Le résultat significatif concerne leur absence de latéralisation des voies auditives descendantes.

Les études précédentes sur le système auditif efférent donnent des pistes de discussion et des précisions quant à son rôle potentiel. Dès 1956, Galambos a étudié le système efférent de chats grâce à des techniques d’électrophysiologie. Il a trouvé que l’activité du nerf auditif est supprimée par la stimulation des fibres efférentes chez le chat. D’autres études électrophysiologiques ont montré chez des mammifères que l’innervation efférente provenant du système olivo-cochléaire inhibe l’activité efférente produite à partir de la cochlée (voir Guinan, 1996, pour une revue). Les travaux chez l’humain ont principalement étudié le rôle du SEOCM dans la détection de sons dans le bruit (Micheyl, Perrot & Collet, 1997 ; Micheyl, Khalfa, Perrot & Collet, 1997) ou de parole dans le bruit (Giraud, et al., 1997). Par exemple, l’étude de Micheyl & Collet (1996) a exploré l’implication des voies auditives efférentes humaines dans des situations d’audition dans le bruit en mesurant l’activité du système olivo-cochléaire de participants et leurs capacités de détection de tons dans le bruit. En utilisant l’atténuation des OEA controlatérales pour mesurer la force de suppression du système olivo-cochléaire lors de la détection de signaux dans le bruit, les auteurs ont observé des corrélations entre l’atténuation controlatérale des OEAs et les seuils de détection de tons de moyenne fréquence dans du bruit chez un même participant. Ce phénomène physiologique s’explique de la façon suivante : lors d’une stimulation controlatérale, au niveau de la cochlée, les fibres efférentes inhibent les OEAs en diminuant la contraction des cellules ciliées externes (Collet, et al. 1990) ce qui provoque une augmentation du RS/B dans l’oreille. Les travaux de Giraud, Collet, Chéry-Croze, Magnan & Chays (1995) ont montré une disparition de cet effet suppresseur controlatéral chez des patients ayant subi une neurotomie vestibulaire prouvant ainsi l’implication du SEOCM dans la suppression des OEA.

Le système efférent pourrait donc agir comme un filtre sur le signal distordu dans le but d’aider à mieux percevoir les éléments pertinents pour la compréhension du message parlé. Cette particularité pourrait être très importante pour la compréhension de la parole naturelle car généralement, la perception de la parole se passe dans des circonstances rarement idéales mais plutôt en présence de bruit concurrent qui dégrade le signal avant que celui-ci n’atteigne le système auditif. Dans ce type de situations, le SEOCM pourrait faciliter l’extraction des informations pertinentes pour isoler le son cible du bruit de fond concurrent. Le SEOCM est certainement impliqué dans les mécanismes de suppression et donc par conséquent dans le traitement des sons dans le bruit. Les travaux de Giraud, et al. (1997) et de Kumar & Vanaja (2004) ont confirmé qu’un système efférent peu fonctionnel était responsable de performances réduites de compréhension de la parole dans du bruit. Pour ce faire, Giraud, et al. (1997), par exemple, avaient explicitement activé le SEOCM par un bruit controlatéral pendant la tâche d’audition dans le bruit. Cependant, nos résultats ne peuvent être directement comparés à ces travaux car dans nos expériences comportementales nous n'avions pas de bruit à proprement parler. La dégradation du signal de parole était constituée par la modification interne du stimulus sans ajout de bruit. Jusqu’à présent, aucune étude n’a apporté d’indice quant à l’implication du SEOCM dans la compréhension de la parole dégradée sans ajout d’un signal extérieur. Nous allons à présent discuter les résultats obtenus concernant l’asymétrie du SEOCM.