Discussion

Les mesures cliniques de système efférent ont montré une absence de latéralisation des voies auditives descendantes chez les participants dyslexiques testés (cf. Chapitre II. Partie D. pour les résultats et la discussion). Les participants témoins, en revanche, étaient en moyenne latéralisés à droite, ce qui était le résultat attendu chez des droitiers.

Les résultats des expériences 4a et 4b passées par les participants témoins montrent que ces derniers ont obtenu des scores de restitution de la parole dans la parole significativement supérieurs à ceux des participants dyslexiques. De plus, nous avons observé chez les témoins une corrélation entre performances de restitution des mots et quotient de latéralité. Cette même corrélation n’était pas significative chez les dyslexiques (r = 0.06, p = .81). Les Figure 33 et Figure 34 montrent les nuages de points et les droites de régression représentant la relation entre les QL et les scores de restitution des mots dans le cocktail de mots peu fréquents pour les dyslexiques et les témoins.

Figure 33 : Relation entre le QL et la restitution des mots chez les dyslexiques

Chez les dyslexiques, on observe que la droite de régression est plate, ce qui signifie que le score de restitution des mots est peu différent lorsque le QL varie. En d’autres termes, les performances de compréhension de la parole dans la parole ne sont pas différentes chez les sujets dyslexiques qu’ils soient latéralisés ou non.

Figure 34 : Relation entre le QL et la restitution des mots chez les témoins

Chez les témoins, à l’inverse, on observe que la droite de régression présente une pente négative. Cela signifie que les scores de restitution varient en sens inverse du QL : plus le QL est négatif, et donc plus l’audition est latéralisée, plus les performances de compréhension de la parole dans la parole sont élevées. Cela signifie que plus le participant est latéralisé, plus il a eu de facilité à effectuer la tâche.

Ces résultats montrent qu’il existe un lien entre l’asymétrie auditive et les capacités de compréhension de la parole dans la parole mais chez les participants contrôles seulement. Les participants dyslexiques présentent une hétérogénéité importante des quotients de latéralité mais qui semble sans lien avec leurs résultats comportementaux.

L’asymétrie du système efférent reflète potentiellement l’asymétrie corticale centrale des aires auditives dans le cerveau (cf. Chapitre II. Partie E.). Les travaux de Khalfa & Collet (1996), Pujol, et al. (1999) et Powell, et al. (2006) suggèrent que la latéralisation du langage est corrélée avec la latéralisation hémisphérique. Nos résultats sont en accord avec cette hypothèse d’un lien entre asymétrie des voies auditives et latéralisation du langage. L’étude de Bellis et al, (2000) a montré une relation entre la perte d’asymétrie centrale liée à l’âge et les difficultés de perception de la parole. Il se pourrait que les participants dyslexiques que nous avons testés soient moins performants pour comprendre de la parole dégradée du fait de l’absence de latéralisation de leurs aires langagières. Ces résultats vont dans le sens des travaux de Veuillet, et al. (2007) qui montraient un déficit de la perception du voisement chez des enfants diagnostiqués dyslexiques associé à une absence d’asymétrie en faveur de l’oreille droite de leurs SEOCM. Nous reviendrons sur la discussion de ces travaux. D’un point de vue plus psycholinguistique, serait-il possible que l’accès au lexique soit modulé par l’asymétrie des aires du langage ? Dans ce cas, les performances plus basses des participants non-latéralisés peuvent-elles s’expliquer par la différence de latéralisation ? Nous discuterons ces points de façon plus approfondie dans la partie D. de ce chapitre.