3.1.3. Mise en place de la tonotopie

C’est pendant la période critique (période sensible pendant laquelle la plasticité a plus d’impact) que les zones fonctionnelles du colliculus inférieur et du neocortex seront spécifiées (Ehret, 1976, 1977, 1983). Les spécificités fréquentielles seront ainsi établies dans le système auditif durant cette période au niveau du CI (Ehret & Romand, 1992 ; Friauf, 1992) et du cortex (Eggermont, 1996).

On ne sait pas encore s’il existe un précurseur de la tonotopie corticale avant toute expérience sensorielle. Cependant il est fortement probable que les spécificités fréquentielles s’établissent avec l’activité spontanée des connections neurales au niveau de la périphérie (Snyder et coll., 1990) et des entrées thalamocorticales (Yan, 2003) avant toute activité induite par des sons. Les cartes tonotopiques seraient ainsi façonnées par l’organisation fréquentielle de la cochlée (Goodman & Shatz, 1993 ; Rouiller et coll., 1992). La tonotopie ne peut pourtant pas être uniquement le fruit de facteurs intrinsèques car des études chez l’animal ont montré que l’organisation tonotopique du colliculus inférieur est peu différenciée chez l’animal immature (Romand, 1983 ; Rouiller et coll., 1992 ; Pierson & Snyder, 1994).

D’après Wu et coll. (2003), il existerait une spécificité fréquentielle pré-existante qui serait révélée par les sons. La représentation tonotopique mature dépendrait donc très fortement de la stimulation sensorielle chez l’humain (Sanes & Constantine-Paton, 1983 ; Pasic & Rubel, 1989). Le cortex auditif se spécialise par exemple avec l’âge puisque les seuils des neurones baissent et leurs fréquences caractéristiques se définissent plus précisément selon la quantité d’informations sensorielles accumulées et la maturation des voies thalamocorticales (Eggermont, 1996 ; Zang et coll., 2001 ; 2002). La tonotopie s’établirait donc très tôt selon le degré d’activité cochléaire (Ryan & Woolf, 1988 ; Sanes et coll., 1989 ; Pierson & Snyder-Keller, 1994).

Il semblerait qu’il y ait aussi un déplacement des cartes tonotopiques de la cochlée (Harris & Dallos, 1984 ; Echteler et coll., 1989) et des noyaux corticaux (Aitkin & Moore, 1975 ; Rübsamen et coll., 1989 ; Romand & Ehret, 1990) vers les fréquences basses chez le jeune animal. La base de la cochlée qui mature plus rapidement chez l’animal (par ex., Romand et coll., 1976) et l’humain (Bredberg, 1968) serait ainsi sensible aux basses fréquences à la naissance et deviendrait progressivement plus spécifique des hautes fréquences. Cela expliquerait pourquoi Teas et coll., (1982) et Folsom & Wynne (1986, 1987) ont trouvé que la latence de l’onde V maturait plus rapidement pour les réponses évoquées par des sons graves que des sons aigus.