2.2.1. La stimulation électrique du nerf auditif

Il semble que Volta réalisa le premier au 19ème siècle qu’un son pouvait être généré avec une stimulation électrique. Il fit cette découverte lorsque, après s’être lui-même stimulé à l’aide d’électrodes insérées dans ses oreilles, il entendit un son similaire à celui d’une soupe épaisse qui bout. Beaucoup plus tard, dans les années 1930, Stevens fit entendre des sourds avec une stimulation électrique. Les premiers implants cochléaires sont cependant apparus beaucoup plus tard dans les années 1960 (House & Berliner, 1982). Il s’agissait alors de systèmes de stimulation relativement simples comprenant une seule électrode. Ces implants mono-canaux étaient rudimentaires et ne permettaient que la détection d’un rythme sonore.

Ils ont été à l’origine de la mise au point dans les années 1980 des implants multicanaux implantés le long de la partie basale de la cochlée (Chouard, 1977 ; Eddington et coll., 1978a ; Clark et coll., 1987). Le développement de l’implant cochléaire n’a pu se faire qu’après avoir prouvé qu’une stimulation électrique répétée des tissus cochléaires était sans danger et sans conséquences fâcheuses sur les patients et les tissus cochléaires. Ce sont les travaux de Shepherd, Clark et Black (1983) qui ont permis de montrer qu’une stimulation électrique prolongée de la cochlée ne présente pas de risques si le signal excitateur est de charge électrique équilibrée. Ces travaux ont permis l’essor de l’implant cochléaire actuel. Aujourd’hui, plus de 60 000 personnes sont implantées dans le monde.

Une différence de potentiel entre deux électrodes génère des courants électriques qui vont stimuler le nerf auditif. La membrane du nerf va se dépolariser après injection du courant de manière similaire à un potentiel postsynaptique excitateur produit par une synapse cellule ciliée/nerf auditif saine (Frijns, 1995; Colombo & Parkins, 1987). L’amplitude de cette dépolarisation est dépendante de la géométrie du courant et de l’état de la membrane (Frijns, 1995; Ranck, 1975). Si cette dépolarisation est d’amplitude suffisante, elle va se propager le long de la fibre jusqu’au noyau cochléaire (Frijns, 1995; Colombo & Parkins, 1987). De telles décharges sont pratiquement identiques aux potentiels d’action générés par une oreille saine et l’implanté cochléaire percevra des sons. L’activité neuronale sera fonction de la capacité du courant à atteindre les fibres nerveuses survivantes et à dépolariser la membrane. En général, les fibres proches de l’électrode active sont plus facilement excitées (van den Honert & Stypulkowski, 1987a; Ranck, 1975). Des impulsions de courant équilibrés en charge sont utilisées pour éviter que la sommation des charges n’endommage les tissus neuronaux (pour revue : Tykocinski et coll., 1995b), bien que les seuils pour la phase cathodique soient généralement plus bas que pour la phase anodique (Ranck, 1975; Hill, 1936). L’implant cochléaire d’Advanced Bionics utilisé dans ces travaux de thèse propose deux configurations de stimulation: monopolaire et bipolaire. La configuration de la stimulation électrique détermine en partie l’étendue de la dispersion spatiale dans la cochlée et le nombre de fibres nerveuses activées (Kral et coll., 1998 ; Spelman et coll., 1995). Dans la configuration monopolaire, l’électrode de référence est externe à la cochlée et sert de masse pour toutes les électrodes activées (Berliner et coll., 1985). Dans la configuration bipolaire, les électrodes actives et la référence sont intra-cochléaires et proches les unes des autres. La stimulation bipolaire présente une dispersion électrique plus faible que la stimulation monopolaire, elle est donc plus localisée (Van Den Honert & Stypulkoski, 1984, 1987).