3.2. La perception de la fréquence

Chez les patients implantés cochléaires, la tonie liée à la tonotopie est essentiellement fonction de la zone du modiolus (ganglion spiral) stimulée (Cohen et coll., 1996). Elle dépend de la localisation des électrodes dans la cochlée (Chen et coll., 1999), du mode de stimulation (par exemple : Frijns et coll., 1995), de la largeur de l’impulsion (Aronson et coll., 1994), et de l’étiologie (Rattay, 1990). Le fait que la tonotopie ganglionaire soit différente de la tonotopie cochléaire permet d’obtenir une perception de la tonie grave pour les électrodes situées dès la fin du premier tour de cochlée (Blamey et coll., 1996). Certains auteurs (Black & Clark, 1980 ; Merzenich & White, 1979 ; Clark et coll., 1988) trouvent une bonne préservation de la tonotopie du colliculus inférieur en fonction de la zone de cochlée stimulée électriquement. Les zones de la cochlée stimulées par les différentes électrodes ne sont pas totalement indépendantes les unes des autres (Shannon, 1983). Cette interaction entre canaux a des effets sur la discrimination de tonie (Mc Dermott & Mc Kay, 1994 ; Busby et coll., 1996). Ce phénomène fait l’objet d’une étude dans cette thèse. Il est décrit en détail dans le chapitre 3.

Le codage fréquentiel temporel semble pouvoir être préservé par l’implant cochléaire jusqu’à une certaine fréquence qui diffère selon les études et les personnes. Bilger (1977) et Fourcin et coll. (1979) montrent que les personnes implantées ont peu de capacité à détecter les changements de périodicité de l’onde électrique appliquée à une seule électrode. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’il y a souvent discordance entre les informations spatiales et temporelles (Oxenham et coll., 2003). Par exemple, un signal avec une fréquence de répétition de 500 Hz peut être délivré à une place qui serait normalement spécifique d’une fréquence de 1000 Hz. Il se peut que le système auditif ait besoin d’une correspondance entre les deux types de codage pour extraire l’information précise sur la fréquence (Evans, 1978) même si d’après certains auteurs comme Eddington et coll. (1978b), il existe un compromis entre les deux types de codage. Les résultats sont cependant contradictoires car certaines études montrent que la perception deviendrait plus aigue lorsque la fréquence de répétition augmente jusqu’à 300 Hz (Eddington et coll., 1978a,b, 1980 ; Tong et coll., 1979, 1980, 1983b, 1985; Pfingst, 1988 ; Zeng, 2002). D’autres études montrent des variations fines de la tonie de 100 à 500 Hz (Shannon, 1983 ; Tong & Clark, 1985), voire même au-delà de 1000 Hz (Simmons, 1966 ; Dorman et coll., 1990, 1996). Cela pourrait s’expliquer par une meilleure synchronisation et une meilleure préservation du « phase locking » (Javel et coll., 1987; van den Honert & Stypulkowski, 1987b; van den Honert & Stypulkowski, 1984). Les expériences chez l’animal montrent en effet que le phase locking en réponse à une stimulation électrique est très précis (Kiang & Moxon, 1972 ; Javel & Shepherd, 2000).

Une étude de Fearn et al . (1999) montre que pour les fréquences de répétition faibles, à la fois les aspects temporels et spatiaux sont importants et que la perception de la tonie augmente avec le nombre d’impulsions par seconde de manière logarithmique. Pour les fréquences de répétition supérieures à 400 pulses par secondes (pps), la fréquence de répétition aurait relativement peu d’effet et la tonie varierait avec la position en diminuant vers l’apex de la cochlée. L’intensité de stimulation peut également modifier la perception de la fréquence d’un son (Townshend et coll., 1987).