2.1.2. Chez l’humain

La mise en évidence de ce type de plasticité est difficile chez l’humain car il existe une grande variabilité des pertes auditives et une forte variabilité interindividuelle. Les modifications de l’organisation tonotopique observées chez de nombreuses espèces (dont les primates) suggèrent qu’une réorganisation peut aussi se produire chez l’humain.

Des mesures électroencéphalographiques et magnétoencéphalographiques ont été réalisées chez des sujets présentant une perte abrupte dans les hautes fréquences. A la suite d’une stimulation sonore à la fréquence de coupure de la perte auditive, la réponse évoquée par une modulation d’amplitude de 40 Hz a été mesurée par Buss et ses collègues (1998). Aucune augmentation d’amplitude n’a été observée pour cette onde dont l’origine peut être aussi bien dans le cortex (Mäkelä & Hari, 1987) que dans le tronc cérébral (Hall, 1992). Des travaux (Dietrich et coll., 2001) se sont donc plus focalisés sur l’amplitude de l’onde N1m, onde équivalente à l’onde N1 et générée dans le cortex auditif. Dans cette étude, les sujets étaient stimulés à des fréquences situées soit en amont, soit à la fréquence de coupure de leur perte auditive. Chez sept des huit sujets cochléolésés, l’amplitude de l’onde N1m à la fréquence de coupure de la perte auditive s’est révélée supérieure aux fréquences précédant la perte (Figure 49). Une réorganisation des cartes tonotopiques corticales similaire à celle des adultes a également été montrée chez les enfants suite à une perte auditive localisée en fréquence (par ex., Harrison et coll., 1991, 1993b,c).

Figure 49. Plasticité auditive corticale consécutive à une perte auditive aux hautes fréquences observée chez l’humain à partir d’une technique de magnétoencéphalographie. L’audiogramme et la force de la réponse corticale (mesurée à partir du moment dipolaire) sont représentés chez huit sujets cochléolésés. Pour la mesure de la force de la réponse corticale, trois fréquences ont été testées : deux sont situées avant la lésion et une en bordure de perte. Les valeurs moyennées chez tous les sujets sont représentées en bas à droite. La force de la réponse est supérieure en bordure de perte, indiquant une probable sur-représentation corticale de cette fréquence (Dietrich et coll., 2001).
Figure 49. Plasticité auditive corticale consécutive à une perte auditive aux hautes fréquences observée chez l’humain à partir d’une technique de magnétoencéphalographie. L’audiogramme et la force de la réponse corticale (mesurée à partir du moment dipolaire) sont représentés chez huit sujets cochléolésés. Pour la mesure de la force de la réponse corticale, trois fréquences ont été testées : deux sont situées avant la lésion et une en bordure de perte. Les valeurs moyennées chez tous les sujets sont représentées en bas à droite. La force de la réponse est supérieure en bordure de perte, indiquant une probable sur-représentation corticale de cette fréquence (Dietrich et coll., 2001).

Une diminution de l’activité corticale au niveau des fréquences de la perte a également pu être mise en évidence après induction d’une lésion « fonctionnelle » des voies auditives sur une bande de fréquences étroite. Pendant trois jours consécutifs, les sujets participant à l’étude de Pantev et coll., (1999) ont écouté trois heures de musique tronquée sur un petit intervalle fréquentiel centré sur 1000 Hz. Après écoute, l’activation corticale à 1000 Hz avait significativement diminué par rapport à avant écoute alors qu’aux autres fréquences aucune variation significative n’était observée. Ces travaux ont également permis de montrer que le cortex auditif peut se réorganiser très rapidement en fonction des conditions imposées par l’environnement.