3.1. Effets de la surdité en général chez l’humain

Les sujets atteints de perte auditive unilatérale peuvent présenter des cas de diploacousie, c’est-à-dire qu’ils perçoivent la hauteur virtuelle d’un son comme étant différente selon l’oreille de présentation. Cela tend à montrer que la très probable réorganisation neuronale a un impact sur la perception de la tonie. De plus, dans certains cas de diploacousie, le son dans l’oreille endommagée est décrit comme étant bruité ou impur (Davis et coll., 1950 ; Davis, 1970 ; Schuknecht, 1970). Cela pourrait signifier que les neurones codent de façon moins spécifique les fréquences ou que les cartes tonotopiques sont réorganisées.

Il est très probable que la sélectivité fréquentielle est moindre chez une personne malentendante. Cela va avoir des effets au niveau des filtres auditifs et de la perception de l’intensité. Les sujets malentendants présentent en effet des filtres auditifs (reflets de la sélectivité fréquentielle) plus larges que les sujets normo-entendants (Dallos & Harris, 1978 ; Liberman & Mulroy, 1982 ; Schmiedt et coll., 1980), le degré d’élargissement augmentant avec la perte auditive (par ex., Leeuw & Dreschler, 1994 ; Tyler et coll., 1984). Des auteurs ont montré que cet élargissement est associé à plusieurs symptômes de la perte auditive comme par exemple le fait que la parole soit difficile à discriminer (Salvi et coll., 1983a ; Salvi et coll., 1983b). Enfin, pratiquement toutes les personnes qui souffrent de pertes auditives montrent un phénomène de recrutement de la sonie (Fowler, 1936 ; Steinberg & Gardner, 1937) qui pourrait être également dû à une réduction de la sélectivité fréquentielle (Hellman, 1978 ; Zeng & Turner, 1991).

Les seuils de discrimination en fréquence (dF) sont également affectés par la perte auditive (par ex., Turner & Nelson, 1982 ; Freyman & Nelson, 1987 ; Gengel, 1973) même si cela ne semble pas être fortement corrélé avec le seuil absolu à la fréquence testée ou avec la sélectivité fréquentielle (Moore & Peters, 1992 ; Tyler et coll., 1983). Une explication possible pourrait être qu’une diminution du « phase-locking » des neurones auditifs afférents se produit après une lésion cochléaire rendant plus difficile la tâche de discrimination fréquentielle.

Enfin, l’acouphène pourrait être dans certains cas le résultat perceptif d’une réorganisation corticale liée à la perte auditive. L’acouphène serait alors une sensation auditive fantôme (Norena et coll., 2002) qui viendrait du système nerveux central (House & Brackmann, 1981) puisque la plupart des études physiologiques n’ont pu montré de changement de l’activité spontanée du nerf auditif (Dallos & Harris, 1978 ; Kiang et coll., 1970).