3.2.2. Chez l’humain

Il est admis que les performances perceptives de sujets présentant une perte auditive partielle peuvent refléter indirectement une réorganisation neuronale. McDermott et coll. (1998) ont examiné la perception de la sonie et la discrimination fréquentielle chez cinq sujets dont les audiogrammes présentent des pentes abruptes. Dans chaque cas, la pente de la fonction de sonie est moins forte au voisinage de la fréquence de coupure qu’au niveau des fréquences plus basses où les seuils auditifs sont quasi-normaux. Ces observations sont en accord avec des travaux plus anciens de Hellman (1994). Une amélioration locale des performances en discrimination fréquentielle ou JND (« Just noticeable difference ») a également été trouvée chez quatre des sujets. Les auteurs ont fait l’hypothèse que le champ dynamique élargi et la meilleure discrimination fréquentielle seraient dus à une réorganisation corticale et notamment à un plus grand nombre de neurones codant à la fréquence de coupure. Il semblerait cependant que l’effet trouvé sur la perception de l’intensité puisse être attribuable à des mécanismes périphériques plutôt que centraux (Florentine et coll., 1997 ; Moore & Glasberg, 1997). De même, Buss et coll. (1998) qui ont étudié les performances de sujets avec des pertes auditives similaires à des tâches variées (détection de modulation en fréquence, discrimination en intensité, détection et discrimination de gap, laps temporels) interprètent différemment ces résultats. Pour aucune des tâches, les performances observées n’ont différé de celles de sujets normo-entendants chez lesquels une perte auditive était simulée par masquage des signaux par un bruit passe-bas. Ils ont ainsi suggéré que les modifications perceptives observées étaient dues à la perte auditive et non pas à une réorganisation corticale.

Thai Van et coll. (2002) ont testé les performances de discrimination fréquentielle de sujets présentant des pertes modérées à abruptes, aux basses ou hautes fréquences. Les auteurs ont observé une amélioration significative de la JND pour des pertes de plus de 25 dB/Octave, que la perte soit aux basses ou hautes fréquences (Figure 53). Il est important de noter qu’aucune hypothèse périphérique, telle que l’interférence générée par la présence d’otoémissions acoustiques ou de zones mortes cochléaires, ne peut expliquer l’amélioration locale des performances de discrimination fréquentielle (Thai Van et coll., 2003). Il est donc très probable qu’une meilleure JND reflète la réorganisation du cortex auditif et une augmentation du nombre de neurones codant la fréquence de coupure au niveau cortical pour des surdités suffisamment importantes.

Figure 53. Seuils auditifs moyens (carrés blancs) et performances de discrimination fréquentielle (cercles noirs) mesurées par 1/8ème d’octave chez des groupes de sujets à perte auditive faible (haut), moyenne (milieu) et forte (bas). Chez les patients à perte auditive moyenne et forte, une amélioration des performances de discrimination fréquentielle est observable en bordure de perte (Thai Van et coll., 2002).
Figure 53. Seuils auditifs moyens (carrés blancs) et performances de discrimination fréquentielle (cercles noirs) mesurées par 1/8ème d’octave chez des groupes de sujets à perte auditive faible (haut), moyenne (milieu) et forte (bas). Chez les patients à perte auditive moyenne et forte, une amélioration des performances de discrimination fréquentielle est observable en bordure de perte (Thai Van et coll., 2002).