1.4. Discussion

Des ondes N1 ont pu être enregistrées chez tous les sujets pour toutes les fréquences de stimulation. Leurs amplitudes sont plus petites et leurs latences plus longues que celles que l’on trouve dans la littérature chez des sujets qui ont porté l’implant depuis plusieurs mois. Les amplitudes plus petites peuvent s’expliquer par le fait que le nombre de neurones servant à coder l’information auditive est probablement moindre lorsque la surdité a été totale. Le cortex auditif peut par exemple s’être spécialisé dans d’autres modalités sensorielles (Naito et coll., 1997), comme la vision (Lee et coll., 2001; Finney et coll., 2001). Certains sujets ont d’ailleurs rapporté avoir été surpris par la sensation que leur a procuré l’implant le jour où il a été activé car cette sensation ne leur paraissait pas être auditive. Il se peut aussi que ces activités reflètent l’activation d’un système nerveux auditif immature (par ex. Ponton et coll., 1999, 2001, 2002; Sharma et coll., 2002). Ces deux hypothèses peuvent également être combinées : les voies auditives sont immatures et les structures corticales qui devraient être spécialisées dans la fonction auditive sont utilisées par d’autres modalités.

L’inversion de polarité entre les régions fronto-centrales et temporales qui est typique d’une activation dans le cortex auditif est trouvée pour l’activation des électrodes apicales seulement. Cela peut refléter le fait que les fréquences graves sont généralement mieux conservées que les fréquences aiguës. Une fois que la maturation est atteinte pour une certaine structure nerveuse au moment où la surdité apparaît, cette structure va en effet rester mature même après de longue période de surdité (Ponton et coll., 1996b).

Comme cela est montré sur la Figure 55, les topographies de l’onde N1 ne présentent pas d’organisation tonotopique puisqu’aucune des caractéristiques obtenues chez les normo-entendants, à savoir la diminution et le basculement vers l’avant de la négativité frontale et l’augmentation de la positivité latérale avec les hautes fréquences, n’est retrouvée. Cela est confirmé par le fait que les sujets n’arrivaient pas à distinguer les uns des autres les sons provenant de l’activation des différentes électrodes et encore moins à les ordonner.

L’article intitulé « Plasticity of the auditory cortex in cochlear implant users: a longitudinal study of tonotopic organization » et qui se trouve dans le Chapitre 4 présente une description individuelle des cartes tonotopiques et de la perception de cinq des sujets ayant participé à cette étude (S1-S5) en fonction des caractéristiques de la surdité de chaque personne. L’analyse individuelle permet de décrire le lien entre la perception et les topographies de l’onde N1. Elle permet également de montrer qu’il n’y a pas d’organisation tonotopique (ni subjective, ni objective) quelque soit la durée de la surdité au J0.