2.3. Résultats et Discussion

2.3.1. Effet global de la surdité sur la conductivité nerveuse

Relation avec la durée de la surdité

Les latences des potentiels précoces (ondes IIIe et Ve) et tardifs (ondes N1 et P2) sont plus longues chez les sujets qui ont été sourds plus longtemps (Figure 57). L’effet de la durée de la surdité sur l’intervalle IIIe-Ve n’étant pas significatif, il se peut que l’allongement de l’onde Ve pour les surdités plus longues ne soit cependant que le reflet de l’allongement de l’onde IIIe et qu’il n’y ait pas d’effet de la durée de la surdité au-delà du noyau cochléaire. Cependant, l’intervalle N1-P2 est très significativement plus court pour les personnes ayant eu une durée de surdité plus courte, ce qui montre que la surdité a un impact au niveau central. Le fait que les tests soient plus significatifs au niveau central peut montrer que la durée de la surdité a un effet plus important au niveau central qu’au niveau périphérique. Cela rejoindrait les résultats des travaux de Oates et coll. (2002) chez les personnes appareillées.

Figure 57. Latences moyennes inter-sujets et inter-électrodes des ondes IIIe (a) et Ve (b) et de l’intervalle IIIe-Ve (c) des PEEPs (A) et des ondes N1 (a) et P2 (b) et de l’intervalle N1-P2 (c) des PEETs (B). Dans chaque étude, deux groupes sont déterminés en fonction de la durée de la surdité totale de l’oreille implantée. Les barres verticales représentent l’erreur standard autour de chaque moyenne.
Figure 57. Latences moyennes inter-sujets et inter-électrodes des ondes IIIe (a) et Ve (b) et de l’intervalle IIIe-Ve (c) des PEEPs (A) et des ondes N1 (a) et P2 (b) et de l’intervalle N1-P2 (c) des PEETs (B). Dans chaque étude, deux groupes sont déterminés en fonction de la durée de la surdité totale de l’oreille implantée. Les barres verticales représentent l’erreur standard autour de chaque moyenne. * indique que la différence entre les groupes est significative (p < 0.05).

Par ailleurs, l’effet de la durée de la surdité se traduit d’une autre manière en périphérie. Les latences, qui normalement sont plus longues à la base de la cochlée qu’à l’apex chez l’implanté (Miller et coll., 1993 ; Guiraud et coll., 2006), ne varient pas en fonction de la zone de la cochlée qui est stimulée lorsque la surdité a été longue. Cela est illustré par la Figure 58 qui montre que les latences des PEEPs d’un sujet sourd congénital ne présentent pas de gradient baso-apical (a), alors que les latences d’un sujet qui est sourd depuis moins longtemps sont plus longues à la base qu’à l’apex de la cochlée (b). Cette observation corrobore les résultats de Propst et coll. (2006) qui montrent des latences similaires à la base et à l’apex d’animaux sourds congénitaux. Les intensités réclamées par le sujet sourd congénital étant beaucoup plus élevées à la base, il se pourrait que la cochlée soit très abîmée dans cette zone et qu’il reste peu de fibres intactes (Otte et coll., 1978, Schmidt, 1985). Cela nécessiterait que le courant soit suffisamment fort pour qu’il puisse atteindre les fibres voisines restées en bon état et résulterait en des latences identiques (Frijns et coll., 1996). Cette diffusion importante du courant pourrait expliquer également les effets de la gravité de la surdité sur la perception. Cela justifierait pourquoi la hauteur est moins bien perçue chez les sujets ayant une perte auditive plus importante (McDermott & McKay, 1994 ; Busby et coll., 1993; Zwolan et coll., 1997; Henry et coll., 2000; Donaldson and Nelson, 2000), et pourquoi la largeur de la dispersion spatiale est plus grande pour les sujets ayant des niveaux de M plus élevés (Cohen et coll., 2003).

Figure 58. PEEPs générés par la stimulation de chaque électrode à une intensité confortable forte chez deux sujets. Les latences ne varient pas en fonction du site de stimulation chez le sujet sourd depuis la naissance (figure a), alors que chez l’autre sujet (figure b) qui a été sourd pendant 5 ans, les latences des ondes IIIe et Ve diminuent lorsque des électrodes plus apicales sont stimulées. Les niveaux de stimulation, exprimées en unités cliniques (CU), sont indiqués à côté de chaque électrode de stimulation.
Figure 58. PEEPs générés par la stimulation de chaque électrode à une intensité confortable forte chez deux sujets. Les latences ne varient pas en fonction du site de stimulation chez le sujet sourd depuis la naissance (figure a), alors que chez l’autre sujet (figure b) qui a été sourd pendant 5 ans, les latences des ondes IIIe et Ve diminuent lorsque des électrodes plus apicales sont stimulées. Les niveaux de stimulation, exprimées en unités cliniques (CU), sont indiqués à côté de chaque électrode de stimulation.