2.3. Résultats et Discussion

Des ECAPs ont pu être mesurés chez six sujets. La Figure 64 montre les amplitudes non normalisées des ECAPs enregistrés chez le sujet S2 pour les deux intensités de stimulation. Cette figure reflète ce qui a été trouvé chez tous les sujets chez qui des ECAPs ont pu être mesurés : l’amplitude des ECAPs diminue lorsque la distance entra l’électrode de recueil et l’électrode de stimulation augmente et la largeur de la dispersion est moindre pour l’intensité la plus basse.

Figure 64. Amplitudes non normalisées des ECAPs, reportées en fonction de l’électrode de recueil chez S2. La stimulation a été générée à deux intensités.
Figure 64. Amplitudes non normalisées des ECAPs, reportées en fonction de l’électrode de recueil chez S2. La stimulation a été générée à deux intensités.

Comme cela est montré sur la Figure 65, seul le sujet S1 n’avait plus d’ECAPs pour les électrodes de recueil les plus éloignées de l’électrode de stimulation (1-3 et 11-16). Il est également le seul à avoir pu discriminer l’électrode 8 de ses voisines sans erreur. Cette figure montre que le profil des courbes de dispersion s’étale et que l’amplitude des ECAPs enregistrés depuis les électrodes plus éloignées du site de stimulation est plus élevée lorsque les sujets ont plus de mal à distinguer l’électrode de stimulation de ses plus proches voisines. Le paramètre qui semble le plus refléter cela est la pente de la dispersion neurale de chaque côté de l’électrode stimulée et non la largeur de la courbe qui est à peu près constante (sauf pour le premier sujet S1). L’allure de la courbe de dispersion ne semble pas avoir de relation avec la perception qu’ont les sujets de la parole ou encore la durée de la surdité ou de l’utilisation de l’implant cochléaire. Les sujets n’ayant pas d’ECAPs (ou des ECAPs de très faibles amplitudes à 100% de la dynamique comme S7) présentent les scores les plus médiocres aux tests de discrimination d’électrodes et de perception de la parole.

Figure 65. Courbes de dispersion spatiale normalisées, générées à deux niveaux d’intensité (ULCL et à 50 % entre M et ULCL) chez les neuf sujets, classés en fonction de leur performance au test de discrimination d’électrodes (du meilleur score au plus bas). Le tableau indique la largeur de la courbe (en nombre d’électrodes) à 0,8 de l’amplitude normalisée maximale et la pente moyenne des deux côtés de la courbe (en valeur absolue) pour les courbes recueillies à l’intensité la plus élevée. Le pourcentage de réussite au test de discrimination des électrodes, le pourcentage de phonèmes perçus au test de Lafon (60 dB SPL), la durée d’utilisation de l’implant et la durée de surdité sont également indiqués.
Figure 65. Courbes de dispersion spatiale normalisées, générées à deux niveaux d’intensité (ULCL et à 50 % entre M et ULCL) chez les neuf sujets, classés en fonction de leur performance au test de discrimination d’électrodes (du meilleur score au plus bas). Le tableau indique la largeur de la courbe (en nombre d’électrodes) à 0,8 de l’amplitude normalisée maximale et la pente moyenne des deux côtés de la courbe (en valeur absolue) pour les courbes recueillies à l’intensité la plus élevée. Le pourcentage de réussite au test de discrimination des électrodes, le pourcentage de phonèmes perçus au test de Lafon (60 dB SPL), la durée d’utilisation de l’implant et la durée de surdité sont également indiqués.

La Figure 66 montre les courbes de dispersion moyenne des sujets ayant de bonnes performances au test de discrimination d’électrodes par rapport aux sujets qui ont des scores plus bas. On peut voir que l’angle de la courbe de dispersion des meilleurs sujets est plus aigu quelle que soit l’intensité de stimulation que celui des sujets moins performants. Il semblerait donc qu’il soit plus difficile de discriminer une électrode dont l’activation stimule une zone large dans la cochlée. La stimulation d’une électrode avec une dispersion large entraînerait donc la perception d’un son dont la tonie serait moins « pure ». L’absence d’ECAPs à l’une des intensités de stimulation semble être liée au fait que les sujets rencontrent le plus de difficulté à discriminer les électrodes.

Figure 66. Courbes normalisées des dispersions spatiales moyennes des sujets ayant les meilleurs scores au tests de discrimination d’électrodes (à gauche) et des sujets ayant le plus de difficultés à distinguer la tonie de l’électrode 8 de celle des électrodes 6, 7, 9 et 10 (au milieu et à droite).
Figure 66. Courbes normalisées des dispersions spatiales moyennes des sujets ayant les meilleurs scores au tests de discrimination d’électrodes (à gauche) et des sujets ayant le plus de difficultés à distinguer la tonie de l’électrode 8 de celle des électrodes 6, 7, 9 et 10 (au milieu et à droite).

La Figure 67 montre que les pentes des courbes de dispersion sont corrélées avec les scores des sujets au test de discrimination d’électrodes. Les sujets dont la pente de la dispersion spatiale autour de l’électrode 8 est plus raide distinguent mieux la tonie de cette électrode par rapport à celle des électrodes voisines que les sujets ayant une pente moins abrupte. Il est donc probable que lorsque les neurones situés loin de la zone de stimulation sont moins activés, la perception de la fréquence est plus pure.

Figure 67. Pentes moyennes de la dispersion spatiale autour de l’électrode 8 en fonction de la faculté des sujets à discriminer cette électrode de ces voisines à 100% du champ dynamique.
Figure 67. Pentes moyennes de la dispersion spatiale autour de l’électrode 8 en fonction de la faculté des sujets à discriminer cette électrode de ces voisines à 100% du champ dynamique.

Comme dans l’étude de Hughes & Abbas (2006) qui impliquait les interactions entre électrodes, la faculté qu’ont les sujets à discriminer les électrodes semble ne pas être liée à la largeur de la courbe de dispersion. Dans notre étude, nous avons cherché un autre moyen d’évaluer la dispersion de l’excitation neurale autour de l’électrode de stimulation et avons pris en compte la pente de la courbe de dispersion. Il semble y avoir une corrélation entre la faculté à discriminer une électrode de ses voisines et le degré de l’excitation neurale autour d’elle, qui expliquerait 74 % de la variance (R² = 0.74). La dispersion neurale à la périphérie a donc un impact sur la perception de la tonie. Il est par conséquent fort probable que l’utilisation de l’implant cochléaire puisse ne pas permettre la réorganisation des cartes tonotopiques avec des frontières bien délimitées entre les bandes de neurones codant pour une fréquence donnée.