3.2. Changements perceptifs liés à l’utilisation d’un implant cochléaire

Les données objectives (comme l’EEG), dont on a montré qu’elles reflétaient la plasticité de réhabilitation auditive, sont également corrélées à des modifications de la perception chez l’implanté cochléaire enfant (Ponton et coll., 2000) et adulte (Jordan et coll., 1997 ; Kaga et coll., 1991). Les changements perceptifs reflèteraient ainsi également une plasticité secondaire chez l’implanté.

Les sujets montrent des progrès continus plusieurs années après l’implantation (Fryauf-Bertschy et coll., 1997 ; Tyler et coll., 1997a,b,c). L’amélioration la plus certaine se fait dans les 9-12 premiers mois, les performances étant meilleures si on a été sourd moins longtemps et s’il y a un entraînement (Gray et coll., 1995). Chez les enfants, cela dépendra si la pose de l’implant s’est fait avant ou après l’acquisition du langage (Osberger et coll., 1991; Robinson, 1998 ; Manrique et coll., 1999). De manière générale, les enfants implantés plus jeunes reconnaîtront mieux la parole que les enfants implantés plus tard (Hassanzadeh et coll., 2002; Miyamoto et coll., 2003; Moog & Geers, 1999). Cela reflète bien l’idée d’une période critique qui avait été mise en évidence objectivement (Rubens & Rapin, 1980; Eggermont & Bock, 1986).

Les personnes sourdes congénitales et prélinguales que l’on implante une fois adultes ont particulièrement du mal à comprendre la parole (Busby et coll., 1991). Ces études cliniques permettent ainsi de montrer de manière subjective que le système auditif jeune est plus plastique ou peut mieux s’adapter aux informations électriques transmises par l’implant cochléaire que le système auditif adulte (par ex. : Blamey et coll., 1996; Dawson et coll., 1992; Osberger et coll., 1998; Tyler et coll., 1997; Waltzman et coll., 1997).

Lorsque des électrodes sont activées dans l’ordre depuis l’apex jusqu’à la base, la perception de la fréquence du son va devenir progressivement de plus en plus aiguë chez les sujets sourds post-linguaux (Simmons, 1966 ; Eddington et coll., 1978a,b, 1980 ; Townhend et coll., 1987 ; Tong et coll., 1980, 1982, 1985 ; Shannon, 1983a ; Dowell et coll., 1982 ; Pauka, 1989 ; Dorman et coll., 1990 ; Nelson et coll., 1995 ; Busby et coll., 1994 ; Collins et coll., 1997). Par contre, les adultes prélinguaux ont une perception de la tonie qui ne varie pas systématiquement avec l’organisation tonotopique (Eddington et coll., 1978 ; Tong et coll., 1988 ; Busby et coll., 1992). Ils ont en outre beaucoup plus de difficulté à distinguer la tonie et à détecter les intervalles entre deux stimulations. Seule la capacité à traiter la sonie est semblable (Busby et coll., 1992).

Cependant, même les personnes sourdes prélinguales et implantées une fois adultes présentent une amélioration progressive de la reconnaissance de la parole et du traitement des informations spatiales et temporelles au cours du temps (Busby et coll., 1991). Il faut souvent que ces personnes utilisent plus longtemps l’implant pour que leurs performances s’améliorent (Dorman, 1993; Schindler et coll., 1995; Gstoettner et coll., 1998; Tyler et coll., 1997). L’amélioration de la faculté à traiter l’information auditive, même après des périodes prolongées de surdité, est probablement un reflet de mécanismes plastiques dans le système nerveux central auditif.