1. Mise en évidence de réponses corticales semblables à celles du normo-entendant chez l’implanté expérimenté

1.1. Étude de la vitesse de transmission de l’information fréquentielle au niveau cortical

1.1.1. Introduction

Les études sur les effets de la tonotopie sur la vitesse de transmission de l’information sonore chez les normo-entendants sont contradictoires. La latence de l’onde N1m, équivalent magnétique de l’onde N1, semble varier en fonction de la fréquence du son d’après Roberts et ses collègues (Roberts & Poeppel, 1996; Stufflebeam et coll., 1998; pour revue: Roberts et coll., 2000). Les résultats concernant l’onde N1 sont plus confus : quelques études montrent que la fréquence des sons n’a pas d’effet chez l’animal (Redies et coll., 1989; Woods et coll., 1989; Sutter & Schreiner, 1991) et l’humain (Picton et coll., 1976), tandis que d’autres montrent une influence significative de la fréquence sur la latence des réponses corticales chez l’humain (Rapin et coll., 1966; Jacobson et coll., 1992; Woods et coll., 1993a,d). Verkindt et coll. (1995) ont trouvé que la latence de N1 générée par des sons purs de 250 Hz est plus longue que les latences générées par des sons de 500, 1000, 2000, et 4000 Hz, qui sont identiques. Il semble ainsi que les latences des sons de fréquence inférieure à 500 Hz se distinguent des latences des sons de fréquence plus élevée chez les normo-entendants. Cette idée est confirmée par une étude de Roberts & Poeppel (1996) qui montre que les latences des ondes N1m pour les fréquences supérieures à 500 Hz sont identiques.

Les fréquences sonores pourraient être transmises de la même manière chez l’implanté cochléaire dont la base de la cochlée est principalement stimulée par l’implant. On aurait alors des latences identiques pour les électrodes de stimulation qui codent des bandes de fréquence supérieures à 500 Hz. Cependant, il se peut que les latences au niveau tardif reflètent le gradient que l’on a mis en évidence au niveau périphérique dans le Chapitre 2. La latence de l’onde N1 générée par l’activation d’une électrode basale serait alors plus longue que celle d’une N1 générée par l’activation d’une électrode apicale. Elle refléterait le fait que les fibres auditives sont plus longues (Moore, 1987; Spoendlin & Schrott, 1989) et plus nombreuses (Hinojosa et coll., 1985; Spoendlin & Schrott, 1990) à la base de la cochlée.

D’un autre côté, les latences des PELTs enregistrés par Firszt et coll. (2002a) pour des hautes intensités de stimulation montrent une possible influence de la fréquence de stimulation similaire à celle des normo-entendants. Comme Woods et coll. (1993d) l’ont suggéré, ce gradient reflèterait alors le fait que les fibres nerveuses qui codent pour les basses fréquences sont plus longues au niveau cortical car les basses fréquences sont codées par une zone plus latérale dans le cortex (Pantev et coll., 1988). Firszt et coll. (2002a) n’ont pas fait de statistiques sur les latences enregistrées pour cette forte intensité et l’on ne sait pas si ce gradient est significatif. Les tests statistiques ont été appliqués pour les latences des PELTs, toutes intensités de stimulation confondues. Les auteurs n’ont pas trouvé d’effet significatif de la fréquence ainsi. Il est toutefois possible que cet effet ait été dilué : les ondes N1 et P2 sont en effet moins bien dessinées quand elles sont générées par des intensités plus faibles, ce qui résulterait en des valeurs plus variables et diminuerait la significativité des statistiques.

Dans notre étude, afin de connaître la vitesse de transmission des différentes fréquences les une par rapport aux autres, nous avons donc enregistré les ondes N1 et P2 générées par l’activation de plusieurs électrodes à une intensité unique suffisamment forte.