Situation générale de l’arabe actuel

Le domaine linguistique arabe s'étend sur un très vaste domaine géographique, recouvrant une grande partie du Proche-Orient asiatique, tout le nord de l'Afrique jusqu'à l'Atlantique, avec des projections en Asie centrale, en Méditerranée et en Afrique sub-saharienne (Figure 1). Il est parlé dans vingt-quatre pays et constitue la quatrième langue des Nations Unies. Sous ses formes dialectales, l'arabe est la langue maternelle de plus de deux cent cinquante millions de locuteurs.

Figure 1. Géographie dialectale du domaine arabophone (carte extraite du Courrier International ‘Hors série Culture’ mars-avril-mai 2003)

Plusieurs linguistes ont décrit la situation particulièrement intéressante de l’arabe où une langue standard commune côtoie un grand nombre de dialectes. De ce fait, la situation linguistique arabe constitue un terrain expérimental de choix pour l'analyse des rapports entre langues et dialectes de par sa constitution en ‘registres’ linguistiques multiples dont l’usage est contraint aux niveaux sociolinguistique et/ou pragmatique (Cohen, 1973 ; Ibrahim, 1981 ; Walter, 1984 ; Kouloughli, 1996).

Les nombreux linguistes qui se sont intéressés à la structuration de la langue arabe reconnaissent, au minimum, l’existence de deux variétés principales : la variété dite ‘classique’, ‘littérale’ ou encore ‘littéraire’ ; et l’arabe dialectal, forme régionale aux caractéristiques singulières (Roth, 1995). Entre ces deux formes apparaît une variété intermédiaire, écrite et parlée, et désignée sous le terme ‘d’arabe standard contemporain'. En 1930, l’orientaliste William Marçais est le premier à utiliser le terme de ‘diglossie’ pour décrire cette structuration particulière. Le terme réfère spécifiquement à l'état dans lequel se trouvent deux systèmes linguistiques coexistant sur un territoire donné, et dont l'un occupe, le plus souvent pour des raisons historiques, un statut sociopolitique supérieur (i.e. arabe standard).

Ce phénomène social se rencontre lorsque les langues en contact ont des fonctions différentes, par exemple une langue « formelle » (i.e. arabe standard) et une langue « privée » (i.e. arabe dialectal). Un aspect de la diglossie est la distribution complémentaire des différents registres de langues : dans certaines situations de communication, seule la variété standard est acceptable alors que dans d’autres la variété dialectale s’impose (Attia, 1966 ; Youssi, 1983).

Ferguson (1959) a par la suite développé la notion en soulignant qu’en pure diglossie, personne dans la société ne parle la variété standard comme langue maternelle, celle-ci étant apprise en contexte institutionnel bien après l’acquisition de la langue maternelle (i.e. arabe dialectal). La diglossie apparaît donc comme un phénomène sociétal où plusieurs variétés coexistent, le plus souvent de façon conflictuelle. La description fine des différents niveaux de langue en fonction de situations de communication variées a conduit les linguistes à proposer d’autres registres intermédiaires (Blanc, 1960 ; A.S. Kaye, 1972 ; Taine-Cheikh, 1978 ; Meiseles, 1980 ; Tarrier, 1991 ; A.S. Kaye, 1994 ; Haeri, 1996). Les sections suivantes ont pour objet la brève présentation des différents niveaux de langue qui constituent la polyglossie arabe.