Introduction à la prosodie

Difficultés de définition

Dans la littérature linguistique, les définitions du terme prosodie recouvre plusieurs faits dont le domaine d’application s’étend au-delà du phonème : syllabe, accent, rythme, ton, intonation, pause, débit, etc. Dans d’autres contextes, le terme est aussi défini par référence à la poésie comme étant l’ensemble des règles qui régissent la composition des vers, et en musique, le terme concerne l’étude des règles de concordance des accents d’un texte et de la musique qui l’accompagne. En résumé, redéfinir la prosodie avant chaque étude est devenu une sorte de compromis entre les chercheurs qui abordent les études prosodiques sous des angles différents.

Le fait que la prosodie soit définie de façon aussi diverse, confirme la complexité du phénomène et la multiplicité de ses facettes. Même en se restreignant au domaine de la linguistique, la prosodie est complexe puisqu’elle englobe d’une part des phénomènes aussi variés que l’accentuation, l’intonation, les pauses, le rythme, etc., et d’autre part, car elle peut être analysée au niveau phonologique comme au niveau phonétique : substance ou forme sonore vs. contenu ou signification associée. Par ailleurs, la définition d’unités prosodiques abstraites soulève de nombreuses questions, qui restent aujourd’hui encore sans réponse définitive. De plus, il n’existe à ce jour ni d’alphabet prosodique international, ni de méthode de transcription prosodique universellement admise même si dans l’API on trouve tout de même un petit nombre de signes relatifs à des traits prosodiques, comme les symboles relatifs aux accents, aux phénomènes d’allongement, ou encore aux caractéristiques tonales.

Au niveau phonétique, la définition courante de la prosodie est attribuée par référence à l’étude des paramètres physiques. De ce point de vue, la prosodie désigne les phénomènes liés à la variation dans le temps des paramètres de hauteur (liée à la fréquence fondamentale, fréquence de vibration des cordes vocales), d'intensité (liée à l'amplitude et à l'énergie) et de durée des sons. D'un point de vue perceptuel, la variation dans le temps de ces paramètres correspond à la perception de l'intonation des phrases, de l'accentuation et du rythme. Il s'agit de caractéristiques supra-segmentales, par opposition aux caractéristiques segmentales liées à la réalisation des phonèmes des langues.

Cependant, cette perspective qui conduit à définir la prosodie comme un fait de substance est suspectée d’être ‘ « une définition réductrice et assez limitée puisqu’elle est en défaut de la fonctionnalité des faits prosodiques et de leur organisation systémique » ’(Di Cristo, 2000, p. 3).

Notons aussi que le terme prosodie est utilisé dans la littérature comme synonyme de ‘suprasegmental’ (Lehiste, 1970). En effet, ce dernier rend compte des faits phoniques qui se superposent à l’enchaînement des phonèmes et qui dépassent donc le cadre du phonème. Mais le terme ‘suprasegmental’ présente une certaine ambiguïté (Rossi, 1999) puisque il peut selon la littérature, renvoyer ‘ « soit à des entités plus larges que les phonèmes, ce qui n’est pas toujours exact, soit à des faits non segmentables, ce qui peut être discutable.» ’ (Di Cristo 2000, p. 4).

Dans ce travail, nous avons retenu la définition de la prosodie, proposée par Di Cristo (2000), puisqu’elle nous semble englober les différents domaines impliqués dans l’étude du phénomène :

‘« La prosodie (ou la prosodologie) est une branche de la linguistique consacrée à la description (aspect phonétique) et à la représentation formelle (aspect phonologique) des éléments de l’expression orale tels que les accents, les tons, l’intonation et la quantité, dont la manifestation concrète dans la production de la parole, est associée aux variations de la fréquence fondamentale (F0), de la durée et de l’intensité (paramètres prosodiques physiques). Ces variations étant perçues par l’auditeur comme des changements de hauteur (ou de mélodie), de longueur et de sonie (paramètres prosodiques subjectifs) ». (Di Cristo, 2000, p. 3)

Dans plusieurs études, le terme intonation est employé indifféremment de celui de la prosodie. Ainsi, Di Cristo (2000) suggère de compléter la définition précédente par :‘ « la prosodie est une structure grammaticale possédant une organisation qui lui est propre. ». ’Pour la notion d’intonation, il emprunte la définition de Ladd (1996) :‘ «[le terme intonation] fait référence à l’usage qui est fait des traits phonétiques suprasegmentaux pour véhiculer, au niveau post-lexical ou de la phrase, des signifiés pragmatiques d’une façon linguistiquement structurée. » ’.