Différents niveaux d’analyse

Les constituants prosodiques présentés ci-dessus sont analysables au niveau phonétique ou phonologique. Plusieurs auteurs ont essayé de les définir selon la théorie dont ils se réclament. Nous retiendrons un inventaire établi et commenté par Delais-Roussarie (2005), résumant l’implication de la prosodie dans trois niveaux :

Entre les deux niveaux, certains linguistes proposent d’établir un lien ou un niveau intermédiaire. Di Cristo et Hirst (1996, 2000) proposent ‘le module phonétique auditif’, dont le rôle serait de dériver les faits acoustiques pour permettre des généralisations qui peuvent être traduites au niveau phonologique, une position déjà formulée par Ladd (1996) :

‘« At a minimum, a complete phonological description includes: (i) a level of description in which the sounds of an utterance are characterised in terms of a relatively small number categorically distinct entities-phonemes, features, or the like-and (ii) a mapping between such a description and physical description of the utterance in terms of continuously varying parameters such as an acoustic waveform or tracks of the movements of the articulators. » (p. 11).’

Dans beaucoup d’études, le terme intonation est employé indifféremment de celui de la prosodie. Ainsi, Di Cristo (2000) suggère de compléter la définition précédente par :‘ « la prosodie est une structure grammaticale possédant une organisation qui lui est propre. ». ’Pour la notion d’intonation, il emprunte la définition de Ladd (1996) :‘ « [le terme ’ ‘ intonation] fait référence à l’usage qui est fait des traits phonétiques suprasegmentaux pour véhiculer, au niveau post-lexical ou de la phrase, des signifiés pragmatiques d’une façon linguistiquement structurée. ». ’L’auteur propose ainsi de représenter la prosodique dans le figure qui suit :

Figure 3. Situation de la prosodie dans l’étude de la langue (Figure empruntée à Di Cristo, 2003).

La Figure 3 représente un schéma développé par Di Cristo (2004) à partir du modèle classique proposé par Hjelmslev (1953) 12 . Ce schéma illustre la conception de l’auteur de la nature des liens entre les composantes de la Grammaire selon la conception classique du modèle génératif et les phénomènes prosodiques. Selon cette conception, la phonétique est à la phonologie ce que la pragmatique est à la sémantique (Hirst & Di Cristo, 1998).

Ainsi, les différents niveaux d’analyse prosodique et la hiérarchie de ses constituants sont sujets de divergence dans l’étude prosodique. La complexité des relations qu'entretiennent les informations prosodiques avec les différents niveaux de la structuration linguistique des énoncés et les problèmes rencontrés pour la mesure précise des observations acoustiques n’a toujours pas permis de formaliser précisément un ensemble de règles exploitables pour les études comparatives ou typologiques.

Malgré le nombre important de travaux fondamentaux consacrés à l'étude de la prosodie la question reste d’actualité. Les langues du monde exhibent des structurations prosodiques différentes au niveau de l’énoncé, de la syllabe voire de la more jusqu’à l’énoncé. Dès lors, l’absence d’un système de transcription commun présente une difficulté certaine pour accomplir des études comparatives. Ainsi s’explique le fait que la majorité des travaux se soient orientés plutôt vers le traitement des niveaux sous-lexicaux de la prosodie et en particulier vers la syllabe et l’accent lexical car au-delà, la tâche s’avère encore plus compliquée.

Notes
12.

Selon ce modèle, la langue s’articule selon deux plans : le plan de l’expression et le plan du contenu, qui se rapportent, respectivement, aux propriétés phoniques des langues et aux significations qu’elles véhiculent. Chacun de ces plans se subdivise à son tour en deux parties dénommées forme et substance. La tradition considère que l’étude de la forme sonore des langues constitue le domaine de la phonologie et celle de la substance, celui de la phonétique. De même, cette tradition perpétue l’idée que l’étude de la forme du contenu est dévolue à la syntaxe et à la sémantique, tandis que celle de la substance du contenu revient à la pragmatique. (Di Cristo, 2004, p. 86).