Définitions et critères

La syllabe est un objet difficile à définir et à appréhender ce qui explique son occultation dans la littérature ancienne. Elle est souvent définie comme unité ‘de taille intermédiaire entre le mot et le segment’. Par ailleurs, la structure syllabique peut varier d’une langue à l’autre et même au sein d’une même langue, comme dans le cas de l’arabe (e.g. Mahfoudhi, 2005, Benkirane, 1987, 2000 ; Watson 1999, 2002 ; Kiparski, 1979 ; Hamdi et al., 2004). Il s’agit donc de trouver une définition qui rende compte de ces réalités diverses. La syllabe, longuement négligée par la linguistique représente aujourd’hui une unité fondamentale dans l’organisation de la parole et de la langue. Elle est non seulement considérée comme une entité phonétique, mais aussi un patron organisateur abstrait au sein duquel se réalisent beaucoup de processus phonologiques et de contraintes phonotactiques. Hyman (2003)se demande si les phonologues ne sont pas en train d’exagérer en donnant à la syllabe toute cette importance :‘ «as a veteran and witness of many of the changes that had affected phonological theory (including excesses), although the syllable had previously been maligned in generative phonology, I was struck in the early 1980s by how all was forgiven. Everyone loved the syllable, which was now everywhere in evidence. ’ ‘ I wondered if it was being overplayed. » ’(p.17)

Historiquement, dans les études dites pré-générativistes, Jakobson et Halle, (1956) l’ont définie comme une unité phonologique constituée de segments organisés entre eux, alors que Firth (1948) la considérait déjà comme une unité suprasegmentale d’organisation prosodique. Toutefois, l’évolution ayant le plus marqué l’étude de la syllabe, se situe à travers la manifestation de l’étude prosodique dans l’évolution théorique de la phonologie linéaire à la phonologie plurilinéaire.

Ce regain d’intérêt date des années soixante-dix mais c’est surtout vers les années quatre-vingt-dix que l’étude de la syllabe a connu son essor à travers différentes approches théoriques. Aujourd’hui, la syllabe constitue une unité linguistique fondamentale dans les études linguistiques, cognitives et également dans le l’ingénierie linguistique.

L’intérêt d’étudier la syllabe se justifie par le fait que ce constituant est à la base d’au moins cinq types différents de phénomènes linguistiques :

  • l’accentuation du mot dépend de sa structure syllabique,
  • différentes règles de phonologie segmentale font référence à la syllabe,
  • la métrique quantitative est basée sur la structure syllabique.
  • la syllabe est le domaine d’application des faits de la coarticulation
  • la syllabe est une unité rythmique fondamentale 16

Dans la littérature sur l’arabe, la syllabe a été abordé dans de nombreuses approches théoriques ou expérimentales, notamment par rapport à ses caractéristiques internes : durée, coarticulation, structure, schématisation/représentation, et externes : accent, organisation au niveau de l’énoncé, complexité, etc.

Notes
16.

Notons que dans certaines théories phonologiques comme ‘la Théorie de la syllabe’ (Angoujard, 1997), la syllabe est impliquée directement dans les mécanismes rythmiques des langues. Nous aborderons cette théorie dans le chapitre qui suit.