Rythme et métrique

La notion de rythme de la parole est très souvent confondue avec celle du mètre. Dans la littérature, les termes de métrique et de rythme sont souvent considérés comme des synonymes, même s’ils font l’objet d’une interprétation différente pour plusieurs auteurs. Plusieurs linguistes réclament une définition linguistique propre au rythme qui refuse de le laisser au seuldomaine de la métrique où celui-ci, identifié au mètre est réduit à n'êtrequ'un élément formel et répétitif. En retirant de la sorte le rythme du discourspour le situer dans le mètre, on se trouve devant une réduction qui fait du rythme une notion définie à partir du retourrégulier des temps forts, des accents et des pauses.

Benveniste (1951) est l’un des premiers à critiquer cette notion réductrice du rythme qui l’assimile à la métrique. Il indique que la définition qui fait du rythme une régularité et qui continue d'être postulée depuis l’époque de Platon, est une fausse étymologie. En comparant le rythme au mouvement de la mer, Benveniste (1951) définit le rythme de la parole comme étant l’organisation du mouvement et du discours, régie par la structuration non figée qui ne se trouve pas forcément dans la régularité.

Fraisse (1988) critique également la confusion qui existe entre les deux termes et considère que l’assimilation du rythme au mètre est l’objet de la confusion entre structure et périodicité. Il propose donc d’analyser la notion du rythme comme structure du discours et non comme périodicité régulière. Il présente ainsi une définition du rythme en se basant sur des travaux de psychologie expérimentale : « ‘ le rythme est l’ordre dans la succession ’ » (p.245).

En analysant la métrique de la parole ordinaire en français, Di Cristo (2003) atteste que la métrique s’oppose au rythme, et ce pas ailleurs que dans l’opposition esthétique prose vs. poésie. L’auteur suggère que « ‘ mètre et rythme renvoient à deux niveaux cognitifs de représentations complémentaires : un niveau profond, où sont spécifiés les gabarits (ou les schèmes) métriques de la langue, et un niveau de surface, où s’actualisent les motifs rythmiques versatiles que motivent à la fois ces contraintes métriques profondes et les contingences inhérentes à la construction des messages (choix du lexique, de la syntaxe et mise en œuvre de contraintes sémantico-pragmatiques) ». ’(p.27).

Cependant, plusieurs théories linguistiques continuent à s’attacher aux principes de la périodicité et de la régularité pour décrire le rythme dans la parole. Ces théories cherchent à démontrer ces principes voire à les détecter dans les indices acoustiques et linguistiques. Nous citons dans ce cadre-là la notion d’‘intervalles plus ou moins réguliers’ dans la théorie de l’isochronie 27 ou même la phonologie métrique dont les partisans :‘ « ne prônent pas une distinction tranchée entre métrique et rythme, dans la mesure où ils empruntent certains concepts conventionnels de la métrique poétique (et musicale) pour les appliquer à la description phonologique du rythme linguistique ». ’(Di Cristo 2003, p.29).

En effet, selon la théorie métrique, les unités de la parole redéfinies comme le pied, la more ou encore la syllabe sont essentiellement des concepts issus de la métrique traditionnelle. Dans certains modèles, notamment les modèles de grille métrique, on s’attache alors à retrouver une périodicité, un ‘retour’ à intervalles plus ou moins réguliers. Par exemple Hayes (1984) considère, en se référant à l’anglais, qu’une grille métrique est eurythmique lorsqu’elle engendre une représentation dans laquelle les battements forts sont régulièrement espacés par un intervalle de quatre syllabes (p.46).

L’approche phonologique du rythme et les modèles proposés par la théorie métrique seront développés dans la section qui suit.

Notes
27.

D’après cette théorie, le rythme des langues est défini comme un effet impliquant la récurrence d’un certain type d’unité de discours à des intervalles réguliers. Les détails de cette théorie seront abordés dans la section ().