Présentation des langues et des parlers étudiés

Nous entendons réaliser cette étude sur six variétés dialectales arabes présentées dans le Tableau 3:

Tableau 3. Présentation des variétés dialectales étudiées
Arabe Maghrébin (MA) Arabe Moyen-oriental (MO)
Marocain Libanais
Algérien Jordanien
Tunisien Égyptien

Le choix des variétés illustrées dans le Tableau 3 a été effectué en fonction de considérations pratiques et surtout linguistiques. En effet, compte-tenue de la très grande diversité des formes dialectales arabes, nous avons opéré un choix selon des caractéristiques linguistiques et une dispersion géographique particulières.

L’arabe standard moderne n’a pas été inclus dans cette étude car l'arabe dialectal en tant que langue maternelle a une influence sur la prononciation de l'arabe standard qui sera sensiblement différente selon qu'elle soit produite par un syrien, un égyptien ou un marocain. Cette influence se manifeste surtout au niveau prosodique, un fait qui a été observé par de nombreux linguistes. Fergusson (1957) a par exemple constaté qu’au niveau de l’accentuation : “‘ The modern pronunciation of classical arabic reflects the stress patterns of the dialect of the speaker. ’” (p.474). Ghazali et al. (2005) constatent que l’intonation de l’arabe standard produit par des locuteurs de différents parlers arabes (Maroc, Tunisie, Jordanie, Égypte, Syrie et Irak) se caractérise par une variation des déclinaisons de la courbe mélodique. Les auteurs constatent que la production des phrases en arabe standard est influencée par le parler de chacun des locuteurs.

Les parlers que nous analysons sont considérés comme représentatifs de la zone à laquelle ils appartiennent et sont décrits par les spécialistes de l’arabe comme « centraux » ou « typiques » par opposition à « périphériques ». Par exemple les parlers arabes du Maroc ou d’Algérie sont considérés comme plus représentatifs de la zone du Maghreb que celui de la Mauritanie (Cohen, 1963 ; Taine-Cheikh, 1990 et Barkat, 2000).

Pour des raisons historiques en particulier, des variations linguistiques existent aussi dans le même pays comme les travaux en dialectologie et tous les atlas établis le confirment. Cependant, les locuteurs arabophones parviennent généralement à identifier quelqu’un comme approximativement venant d'un pays ou d'une région arabe spécifique plutôt qu'une autre. Ainsi, dans notre choix des variétés régionales au sein du même dialecte, nous avons — dans la mesure du possible — privilégié l’analyse des parlers citadins, tout en étant conscients que ces parlers sont en constante mutation en raison des influences linguistiques d’origines diverses qu’ils subissent. Cependant, les dialectes des grandes villes sont ceux qui — de manière générale — influencent l’évolution des parlers environnants. Tout au long de l’histoire, les villes arabes ont participé à l'absorption des flux migratoires des populations rurales, et même si les facteurs économiques et politiques n'ont pas contribué à porter une variété parlée ou telle autre au titre de langue standard, il existe une tendance non dirigée dans la plupart des pays arabes à la standardisation des parlers citadins.

Pour des raisons pratiques, nous avons enregistré des locuteurs originaires de villes différentes tout en respectant un axe linguistique et routier de moins de cents kilomètres. Nous partageons l’avis de Benkirane (1982) selon lequel, sur un axe de trois cents kilomètres, il n'est pas exclu de rencontrer des variations phonétiques segmentales entre les variétés urbaines, mais les variations prosodiques ne passent pas en priorité. L’auteur justifie : « ‘ ( ) des expériences psycholinguistiques portant sur des questions prosodiques (syllabation, accentuation, configuration mélodique, etc.) conforte cette hypothèse selon laquelle la prosodie constitue probablement un puissant facteur d'intégration et de standardisation linguistique à l'échelle de la cité, de la région voire d'un pays. Mais, en disant cela, nous ne cherchons aucunement à minimiser l'importance des investigations en dialectologie prosodique. » ’(Benkirane, 1982 : 30).

Le choix de notre échantillon a aussi été conditionné par l’origine des volontaires disponibles dans notre environnement. Ainsi, certains parlers appartenant à d’autres zones, comme par exemple les dialectes de la Péninsule Arabique ou les dialectes Mésopotamiens ne sont pas représentés dans cette étude. En outre, l’insuffisance de nombre de ressortissants arabes à Lyon pendant notre période d’acquisition des données a nécessité notre déplacement dans certains pays arabes pour obtenir les données nécessaires.

Dans les sections suivantes, nous présentons avec plus de précision les origines dialectales de nos locuteurs tout en mettant l’accent sur certains travaux dédiés aux études prosodiques qui se rapportent aux paramètres qui nous ont servi à mesurer le rythme, notamment la durée et la syllabe.