Résultats

En appliquant ces mesures à notre base de données, les résultats présentés dans le Tableau 8 montrent les mesures des valeurs moyennes de ces variables pour la totalité des parlers arabes et des langues étudiées.

Tableau 8 Valeurs moyennes des PVI vocaliques et consonantiques dans les dialectes et les langues étudiés
  Langue/dialecte rPVIV nPVIV rPVIC nPVIC
Maghreb
Marocain 33,21 46,50 79,89 58,87
Algérien 32,48 46,08 78,73 60,31
Tunisien 29,98 44,41 63,74 53,47
Moyen-Orient
Égyptien 31,53 45,53 57,37 55,21
Libanais 39,99 47,05 61,02 57,04
Jordanien 38,65 46,68 59,29 54,08
Autres langues
Tableau 8 Valeurs moyennes des PVI vocaliques et consonantiques dans les dialectes et les langues étudiés
Anglais 50,25 55,42 74,61 60,2
Catalan 34,57 43,6 60,19 59,56
Français 45,89 50,23 56,2 53,99

Nous proposons par la suite de visualiser ces résultats dans des graphiques multidimensionnels similaires à ceux utilisés précédemment. Nous présenterons d’abord les résultats inter-dialectaux obtenus pour les mesures brutes (rPVI) et par la suite ceux des PVI normalisés.

Figure 32 Distribution des dialectes arabes sur le plan (rPVIC, rPVIV)

La distribution des dialectes arabes en fonction des paramètres rPVIC et rPVIV (Figure 32) fait apparaître 3 groupes distincts : marocain et algérien, tunisien et égyptien et enfin jordanien et libanais. Cette distribution reflète ainsi les trois zones dialectales décrites plus haut. Bien qu’il n’existe aucune corrélation entre les deux paramètres, cette dispersion rappelle celle obtenue pour les paramètres ΔV et ΔC du modèle de Ramus (cf. Figure 26).

Si nous observons la disposition des parlers sur l’abscisse (valeurs de rPVIV) nous remarquons que les dialectes de Tunisie et d’Égypte montrent des valeurs similaires à celles de l’Algérie et du Maroc tandis que les dialectes de Jordanie et du Liban se distinguent des autres. Lorsque nous avons regroupé ces dialectes en 3 zones, les analyses de variance non paramétriques montrent des différences significatives entre ces deux dialectes intermédiaires et ceux du Moyen-Orient (Jordanie et Liban) (p<0,003, χ2=11,53). Sur l’axe y (rPVIC), en revanche, le comportement des ces deux dialectes est différent et ils montrent des valeurs proches des orientaux avec une différence significative avec les dialectes maghrébins (p<0,001, χ2=18,57).

Figure 33 Distribution des dialectes arabes sur le plan (rPVIC, nPVIV)

La Figure 33 montre la distribution des dialectes arabes sur le plan rPVIC (valeurs consonantiques brutes ‘raw consonantal’) et nPVIV (i.e. vocaliques normalisées). Bien que le paramètre rPVIC permet de distinguer deux groupes dialectaux : algérien et marocain d’un coté et le reste des parlers d’un autre, le paramètre nPVIV quant à lui ne montre pas de différences significatives entre les 6 parlers arabes (abscisse). Nous constatons ainsi que la normalisation vocalique utilisée pour s’affranchir du débit, a réduit la variabilité vocalique des parlers arabes.

Figure 34 Distribution des langues et des dialectes arabes sur le plan (rPVIC, rPVIV)

La Figure 34 permet de positionner les dialectes arabes par rapport aux langues étudiées. La disposition de l’anglais sur ce plan montre que cette langue se caractérise par une variabilité vocalique locale plus importante que le français et le reste des parlers arabes. Cela confirme donc plusieurs hypothèses avancées dans la littérature à propos de la variabilité des voyelles en anglais (i.e. Abercrombie, 1967 ; Dauer, 1983, 1987). En effet, les résultats statistiques montrent un effet significatif en comparant l’anglais aux parlers arabes (marocain, tunisien et égyptien, χ2 = 27, 18, p<0,001). Nous constatons ainsi que les langues appartenant à une même catégorie accentuelle, comme l’anglais et l’arabe, n’ont pas forcément les mêmes degrés de variabilité vocalique. Pour le rPVIC, le français est significativement différent des dialectes maghrébins, et en particulier l’anglais (χ2 =26,72, p<0,001). Ce résultat va dans le sens de ce qu’on a obtenu précédemment pour le ΔC, nous pouvons donc constater que le français présentant les valeurs les plus basses en rPVIC (et aussi ΔC) se caractérise par une structure syllabique moins complexe.

Figure 35 Distribution des langues et des dialectes arabes
Figure 35 Distribution des langues et des dialectes arabes sur le plan (rPVIC et nPVIV)

Avec la normalisation des intervalles vocaliques (nPVI), nous avons déjà montré que nos résultats inter-dialectaux ne montrent aucune variation. En revanche, la distribution des langues et des dialectes sur le plan (nPVIV, rPVIC) montrent 4 groupes distincts : le 1er groupe inclue les parlers algériens et marocains, le 2ème les parlers orientaux, le tunisien et le catalan, le 3ème l’anglais et le 4ème le français. Nous constatons que les valeurs de nPVIV sont les plus élevées en anglais. Cette langue montre des résultats significativement différents si on la compare à l’ensemble aux dialectes arabes et au catalan (χ2= 17,54, p<0,02).

Bien que nos résultats de nPVIV corroborent les faits soulignés dans la littérature phonétique de l’anglais et du français, ces résultats ne sont pas cohérents par rapport aux dialectes arabes.

La normalisation vocalique proposée par Low et al. (2000) pour s’affranchir du débit, neutralise également la variation dialectale. Par conséquent, la question qu’on peut se poser concerne l’impact du débit sur nos résultats : est-ce que la variabilité des durées vocaliques est due aux différents débits attestés dans les parlers arabes ? Et par conséquent la normalisation a-t-elle réduit la variation observée par le biais des paramètres rPVIV ou ΔV ? Ou bien, le paramètre proposé pour normaliser le débit écrase-t-il des informations importantes par rapport à la variabilité des durées vocaliques ? Ce point sera développé dans la partie consacrée à la discussion de nos résultats. Rappelons que rPVIV ainsi que le paramètre de variabilité ΔV proposés par Ramus (1999), ont permis de mettre en évidence certaines caractéristiques phonologiques et prosodiques permettant une répartition en trois zones dialectales. Cela nous invite à examiner dans quelle mesure les paramètres proposés par les deux modèles sont corrélés.