Distribution en termes de complexité

Les différents types de structures syllabiques répertoriés sont aussi analysables en fonction de la complexité de leur structure. Cette complexité peut s’exprimer en début de syllabe selon que l’attaque est vide, simple ou complexe.

Tableau 10. Types de structures syllabiques attestées dans les 3 dialectes en fonction de la complexité.
Attaque vide Attaque
simple
Attaque complexe
v cv ccv cccv
vc cvv ccvv cccvv
  cvc ccvc cccvc
  cvvc ccvcc cccvcc
  cvcc ccvvc  

D’après le Tableau 10, certaines syllabes peuvent contenir jusqu’à 3 consonnes en attaque et 2 en coda. De plus, les syllabes fermées ont une diversité plus importante que les syllabes ouvertes : 9 syllabes vs. 7. Pour justifier cette variation nous allons examiner ces différentes structures et leurs organisations. Notons qu’au cours de la segmentation, nous avons bien noté l’existence d’autres types de syllabes plus complexes (jusqu’à 4 consonnes en attaque et 3 en coda), notamment dans le parler marocain, ceux-ci ne sont pas répertoriés dans ce tableau, car il apparaît qu’au cours du processus de la resyllabification, certaines consonnes (en attaque ou en coda) des syllabes très complexes ont été réaffiliées à la syllabe précédente ou suivante.

Figure 41. Répartition des types de syllabes dans les 3 dialectes (en %).

La Figure 41 montre la distribution des différents types de syllabes répertoriés dans les trois parlers étudiés. En présentant ainsi nos résultats, nous remarquons que la fréquence des types de structure, de la plus simple à la plus complexe, est distribuée de manière graduelle entre les dialectes arabes. Le parler marocain se caractérise par la plus haute fréquence de types complexes, le tunisien par des fréquences plus basses pour les syllabes à 3 consonnes, tandis que le parler libanais présente une faible fréquence de syllabes complexes et par conséquent une fréquence plus élevée de syllabes simples.

La tendance la plus forte qui ressort de cette étude est que les groupements consonantiques sont nettement plus fréquents dans les deux dialectes maghrébins et plus particulièrement en marocain. Si l’on examine la position de ces groupements consonantiques dans la syllabe, on constate que la plupart d’entre eux se trouve à l’initiale, ce qui confirme les études précédentes qui ont observé que les groupements consonantiques complexes se trouvent plus fréquemment en position d’attaque qu’en coda (Zerling, 2000 ; Molinu, 1999). Rousset (2004) remarque à partir des données d’ULSID que 87 à 100 % des consonnes d’une langue donnée peuvent apparaître en position attaque contre 21 à 82 % en position coda. Elle ajoute que même s’il y a une grande disparité entre les langues, les contraintes sur la position de coda sont plus importantes que celles sur les positions d’attaque. Ces résultats confirment également le principe « Maximal Onset Principle ».

La fréquence des structures syllabiques complexes est importante dans le dialecte marocain, car il est le seul à admettre jusqu’à 4 positions consonantiques en attaque. Il présente aussi la plus haute fréquence d’occurrences de syllabes complexes toutes structures syllabiques confondues (Figure 42)

Figure 42. Proportions des différents types de syllabes complexes dans les 3 dialectes.

Rappelons que selon la littérature, cette caractéristique des parlers maghrébins est le résultat du processus d’effacement des voyelles brèves en syllabes ouvertes (Cantineau, 1960 ; Marçais, 1977) donnant lieu à différents groupes consonantiques et types de syllabes avec des attaques et marges complexes. Le libanais présente les proportions des structures complexes les plus basses. Cependant, si l’on observe ces données dans le parler tunisien, on obtient des proportions intermédiaires entre le marocain et le libanais. Bien que le tunisien atteste également le phénomène d’élision des voyelles brèves en syllabes ouvertes, on ne trouve que rarement des groupements de 3 consonnes en attaque de syllabe. Nous constatons ainsi que nos résultats vont dans le même sens que ceux relatifs aux corrélats du rythme (∆C, %V et rPVIC) présentés précédemment.

Figure 43. Proportions des différents types de syllabes simples dans les 3 dialectes

Nous avons regroupé les types de structures syllabiques comportant des syllabes simples et ceux présentant des voyelles longues en noyau. La Figure 43 confirme la position intermédiaire du dialecte tunisien. Bien que les voyelles brèves chutent en syllabe ouverte dans ce parler, cette réduction reste partielle comparée au marocain, ce qui explique la fréquence assez élevée des structures : CVVC, CVV, VC, V, …