3. Les « théâtres politiques » ou la polysémie du vocable « politique ».

Une grande partie des artistes de théâtre contemporain récusent ou nuancent dans leur discours la référence au « théâtre politique » aussi il importe de justifier notre démarche d'émancipation vis-à-vis de leur parole. Nous prendrons pour référence les propos d'une politiste américaine, que sa démarche scientifique confronte à cette question dans la mesure où le matériau de base de son travail est constitué d'entretiens avec des individus : « Si je devais accepter la définition explicite des interlocuteurs de ce qui est politique, et ignorer ce qui n’y correspond pas, je passerais à côté de l'essentiel. » 54 De la même façon, il ne s'agira pas pour nous de nous en tenir aux définitions données par les artistes eux-mêmes, ni d'aboutir théoriquement à une définition unique du théâtre politique à l'aune de laquelle nous évaluerions ensuite les différents spectacles de notre corpus, mais d'explorer plutôt les différentes acceptions du terme « politique » et leurs conséquences quant à celles de l'expression « théâtre politique », afin de tenter de comprendre les causes de la mise à distance de cette expression. La pluralité des définitions du terme « politique » fait l'objet de nombreuses interrogations des politistes, dont l'étude nous a paru susceptible de fertiliser la réflexion sur l'expression « théâtre politique », tant il apparaît que l'extension de la définition du terme, loin d'être l'objet d'un consensus a priori, constitue le point nodal des enjeux épistémologiques et politiques de la recherche. Il ne s'agira nullement pour nous de trancher en faveur de telle ou telle définition du vocable « politique » – et du théâtre politique – mais plutôt d'indiquer les conséquences de chacune dans leur application à l'expression qui nous occupe.

Notes
54.

Nina Eliasoph, Avoiding politics, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 15. Cité par Camille Hamidi, Les effets politiques de l’engagement associatif : le cas des associations issues de l’immigration , Thèse de Doctorat de Science Politique, sous la direction de Nonna Mayer, Institut d'Etudes Politiques, Paris, décembre 2002. Thèse à paraître aux éditions Economica en 2008, p. 441. Pour toutes les sources et analyses qui suivent nous disons notre dette immense à l'égard de la thèse de Camille Hamidi.