d. Les acteurs impliqués dans l’existence du spectacle.

Si l’on élargit encore les cercles concentriques autour du spectacle, se pose donc la question des acteurs impliqués, non seulement sur la scène, mais dans l’existence matérielle du spectacle. Qui paie ? S’agit-il d’un théâtre public subventionné ou du circuit du théâtre privé ? Dans le premier cas, les subventions sont-elles données au titre de la culture (du Ministère de la Culture et des régions) ou à titre social (politiques de la ville, conseil généraux, Ministère de la Jeunesse et des Sports) ? Mais peut-on par ailleurs trancher fortement l’opposition entre une «  mission de service public » à l'égard de spectateurs-citoyens, et le divertissement des clients du théâtre privé ? Il semble que non, dans la mesure où le théâtre privé est lui aussi pour partie financé par l'Etat, et surtout dans la mesure où certains spectacles inscrits dans un projet militant ont été diffusés par le biais du théâtre privé et du milieu associatif, à l’exclusion du théâtre subventionné. La question des subventions s’avère extrêmement complexe. Tel travail peut fonder sa revendication d'obtenir des subventions de l'Etat par le fait même qu'il exerce une critique contre la politique de l'Etat dans tel ou tel domaine et que, ce faisant, il contribue à légitimer l’idéal de l’Etat contre telle ou telle dérive occasionnelle (et durable, parfois), ou au contraire justifier de la sorte son refus d'être subventionné. Du texte à sa représentation, des relations au sein de l’équipe aux modes de financement, de l’espace-temps de la représentation à celui de la réception, en passant par la possible remise en cause de ces notions mêmes, l’on mesure le large spectre de lieux potentiellement politiques recensés si l’on procède à une analyse par cercles concentriques autour de la notion de spectacle. Et la spécificité d’une cité tient à l’activation préférentielle de tel et tel leviers. Car – c’est là l’une des hypothèses qui a guidé notre démarche – nous supposons qu’il existe des cohérences 81 (non systématiques cependant) entre les options aux différents niveaux. D'où la nécessité pour nous de mettre à distance les différents discours, et d'examiner les normes sur lesquelles ils s'appuient voire se fondent, les références et héritages convoqués, dont la plupart sont implicites, voire inconscients, mais aussi de comprendre les raisons du reflux, ou en tout cas de la marginalisation d’autres références. L'artistique et l'idéologique se mêlent de fait profondément dans le jugement porté sur le théâtre politique, en tant qu'il est une représentation du monde. L'objectif est donc de réfléchir sur cette notion de « théâtre politique » en interrogeant cette multiplicité des acceptions. D'où provient historiquement cette multiplicité, quels enjeux recouvre-t-elle à l'heure actuelle ? Contrairement à l'optique des définitions présentes dans les citations liminaires, nous ne voulions pas partir d'une définition a priori, essentialiste et abstraite, à l'aune de laquelle juger ensuite si tel ou tel spectacle mérite ou non le titre de « théâtre politique ». Nous ne voulions pas non plus aboutir, au terme d'un parcours téléologique inscrit dans une logique de dépassement historique, à une définition historicisée dont il y a fort à parier qu’elle aurait tendu à suggérer, du fait de l'évolution de la situation politique sur la période, qu’il n’y a plus de théâtre politique. Pour lutter contre ce double écueil, deux éléments de réflexion sont apparus fondamentaux, le choix de la périodisation, et le choix d'une méthodologie et d’un principe d’organisation que l'on pourrait dire « préventifs. »

Notes
81.

Pour prendre un exemple évident, il est très fréquent qu’il existe une corrélation entre le choix de jouer dans un lieu non théâtral et la volonté de toucher un public différent.