6. Contre une approche normative : penser le théâtre politique comme une pluralité de cités.

a. Propédeutique à une méthodologie.

Notre choix méthodologique s’origine dans la volonté de rechercher des outils d’analyse permettant de prendre en compte le « théâtre politique » entendu non seulement comme corpus de textes théâtraux ou même de spectacles, mais en incluant également le discours des artistes, et la vie théâtrale institutionnelle (politiques culturelles, conditions de production et de réception.) L’usage des emprunts à la sociologie est d’ordinaire spécifiquement réservé à la réflexion sur l’autour des spectacles – le fonctionnement des compagnies, la situation sociale des artistes, la composition du public. Autrement dit, ils servent pour aborder les politiques culturelles au sens large, et les résultats des recherches ne sont que rarement rattachés à l’analyse des spectacles en eux-mêmes. Certains objets de recherche, qui ressortissent à notre champ de discipline, nécessitent cependant pour être abordés pleinement que l’on situe la recherche à l’intersection avec d’autres champs, non seulement pour telle ou telle analyse ponctuelle, mais pour charpenter la structure d’ensemble de la réflexion. Cette démarche nous paraît s’imposer tout particulièrement pour penser la notion de « théâtre politique. » Nous avons longtemps travaillé dans une perspective historique, et il est apparu impossible de parvenir à une définition unique trans-historique du « théâtre politique ». Selon les époques, et au sein d’une même époque, s’affrontent différentes conceptions du « théâtre politique », ce qui ne peut s’expliquer que par des divergences non seulement esthétiques entre les auteurs des définitions, mais aussi (et peut-être surtout) idéologiques. Il est donc apparu que, pour penser le « théâtre politique », il était impératif d’emprunter à d’autres disciplines, afin de trouver une certaine extériorité vis-à-vis de l’objet d’étude qu’il semblait difficile d’aborder exclusivement à partir d’outils d’analyse dramaturgique et scénique. Nous espérons que cet exercice de grand écart intellectuel parfois périlleux, parfois inconfortable, permettra d’élargir le regard sur le « théâtre politique. » La multiplicité et l’hétérogénéité des matériaux de réflexion qu’il nous paraissait nécessaire d’articuler les uns aux autres expliquent également que nous envisagions le présent travail non comme un travail abouti, un objet clos sur soi-même, mais comme un work-in-progress , qui ne constitue que la base d’une recherche qui devra être ensuite poursuivie, affinée et nuancée.