Chapitre 1. L’ère post-, changement de paradigme axiologique du théâtre politique

En novembre 1989, la chute du Mur de Berlin marque si l’on peut dire le commencement de la fin de l’Empire Soviétique, et la disparition officielle de l’URSS en 1991 ne fera que confirmer l’événement dans ses répercussions à plusieurs niveaux : effondrement d’un monde bipolaire articulé autour d’une lutte entre deux superpuissances dont le combat est celui de deux systèmes politiques, économiques et idéologiques – URSS vs USA, communisme vs capitalisme, système autoritaire vs démocratie. La fin réelle de l’URSS coïncide ainsi avec celle d’un monde bipolaire, et marque l’avènement d’un nouvel ordre mondial. Mais c’est surtout l’effondrement de l’idéal révolutionnaire, et 1989 sonne le glas symbolique définitif de l'utopie communiste, avec tout ce qu'elle a charrié d'illusions et de déception pour les intellectuels et les artistes, et singulièrement pour le théâtre révolutionnaire de gauche. Le processus de démythification était largement entamé avant 1989, mais la destruction concrète du modèle soviétique sur le plan étatique a néanmoins marqué les consciences occidentales comme la fin réelle et idéologique d'un monde. L'équilibre politique mondial va s'en trouver bouleversé, mais également le tréfonds des consciences individuelles et collectives. Désormais ne se pose plus tant la question de savoir quel nouvel idéal évoquer, que celle de l'opportunité qu'il y a à convoquer un quelconque idéal, toute volonté globalisante étant systématiquement soupçonnée de totalitarisme. C'est donc l'idéal révolutionnaire au sens d'un changement politique radical qui est remis en question 108 , ce qui interdit de penser l’avenir sous forme de rupture possible, et tend à accréditer la formule précédemment citée de François Furet selon laquelle « nous sommes condamnés à vivre dans le monde dans lequel nous vivons. » 109

Notes
108.

Dans Penser la révolution française F. Furet relit ainsi la période de la Révolution Française à la lumière de Archipel du Goulag, posant comme hypothèse que « le Goulag conduit à repenser la Terreur en vertu d'une identité de projet. » (Penser la Révolution Française, François Furet, Gallimard, 1979, p. 26.)

109.

François Furet, Le Passé d’une illusion, essai sur l’idée communiste au XXe siècle, (première édition : Paris, Calmann-Lévy, Robert Laffont, 1995), Paris, Livre de Poche, 2003, p. 809.