b. La découverte de « la banalité du mal », point de départ d’un pessimisme anthropologique.

Le procès Eichmann est l’occasion d’une mise en lumière de la spécificité du génocide juif qui tend à l’extraire de l’histoire – interprétation qui servira ensuite à remettre en cause la notion d’histoire comme mouvement téléologique orienté vers un progrès. Mais ce procès est également le moment d’une réflexion plus universalisable sur la banalité du mal avec la parution de l’essai de Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. 118 Dans son ouvrage qui compile ses chroniques de ce procès, Arendt conclut qu'Eichmann n'a montré ni antisémitisme ni troubles psychiques, et qu'il n'avait agi de la sorte durant la guerre que pour « faire carrière ». Elle le décrit comme étant la personnification même de la banalité du mal, se basant sur le fait qu'au procès il n'a semblé ressentir ni culpabilité ni haine et présenté une personnalité tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Elle élargit cette constatation à la plupart des criminels nazis, et ce quelque soit le rang dans la chaîne de commandement, chacun effectuant consciencieusement son petit travail de fonctionnaire ou de soldat plus préoccupé comme tout un chacun par son avancement que par les conséquence réelles de ce travail. Chez Arendt la mise en lumière de la banalité du mal ne débouche cependant pas sur un pessimisme anthropologique mais sur l’importance de garde-fous anti-totalitaires. Mais les travaux de Arendt ne trouvent encore que peu d’écho dans les années 1960.

Notes
118.

Hannah Arendt, (Eichman in Jerusalem : A Report on the Banality of Evil, 1963), Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, traduction française A. Guérin, Gallimard, (1966), Folio, 1991.