d. De la lente désillusion à l’égard du communisme et du marxisme à l’effondrement de l’ambition d’un projet critique.

En 1969, le PCF fait encore 25 % des voix, et connaît même un renouveau grâce au programme commun avec le PS en 1972. Certains, qui avaient rendu leur carte en 1956, reprennent du service, et de nombreux artistes parmi eux. La glaciation brejnévienne et la répression du Printemps de Prague trouvent cependant écho en France chez les intellectuels et les artistes, où la figure du dissident tend à succéder dans l’imaginaire collectif à celle du militant. C’est surtout avec la publication de la version française de l’immense fresque de Soljenitsyne sur le système concentrationnaire en URSS de 1918 à 1956, Archipel du Goulag, et la découverte que les populations fuient les régimes communistes que les intellectuels et artistes français soutenaient, que la critique prend corps massivement 133 , y compris au sein des PC eux-mêmes, au point que les maisons d'éditions militantes publient alors des ouvrages très critiques sur l'URSS. 134 La prise de conscience de ces événements amplifie le processus de défiance à l’égard des organisations politiques, y compris de celles qui se prétendent vouées à la cause du peuple, et accroît la valorisation corollaire de l’individu contre le système. Et les événements politiques comme les théoriciens des années 1980 vont amplifier ce mouvement de sape des principes universalistes et de l’idéal des Lumières.

Notes
133.

André Glucksmann, La Cuisinière et le mangeur d’homme. Essai sur l’état, le marxisme, les camps de concentration, Paris, Seuil, 1975.

134.

Tel l'ouvrage de Jean Radvanyi, Le géant aux paradoxes, Éditions Sociales, 1982.