L’origine de la condition postmoderne est donc relativement ancienne, et par ailleurs le terme est d’emblée corrélé à une transformation de la culture. J.-F. Lyotard s’intéresse lui spécifiquement à « la condition du savoir dans les sociétés les plus développées » 137 , et articule donc le constat de la transformation des connaissances à la « crise des récits » 138 : « La science est d’origine en conflit avec les récits. A l’aune de ses propres critères, la plupart de ceux-ci se révèlent des fables. » 139 Mais si la science se démarque par définition des fables, elle s’est fondée sur ses propres récits, qui servent à « légitimer les règles du jeu. C’est alors qu’elle tient sur son propre statut un discours de légitimation, qui s’est appelé philosophie. » 140 Et l’on appelait « moderne » le monde dans lequel le métadiscours global de la science constitué par l’ensemble de récits que constituaient « la dialectique de l’Esprit, l’herméneutique du sens, l’émancipation du sujet raisonnable ou travailleur, le développement de la richesse », autrement dit « le récit des Lumières, où le héros du savoir travaille à une bonne fin éthico-politique, la paix universelle. […] En légitimant le savoir par un métarécit, qui implique une philosophie de l’histoire, on est conduit à se questionner sur la validité des institutions qui régissent le lien social : elles demandent aussi à être légitimées. La justice se trouve ainsi référée au grand récit, au même titre que la vérité. » 141 La pensée postmoderne se situe donc dans la lignée de la critique des Lumières faite par l’Ecole de Francfort, et dans la critique de « la philosophie de Hegel [qui] totalise tous ces récits, et en ce sens […] concentre en elle la modernité spéculative. » 142 Mais la pensée postmoderne radicalise la critique, du fait d’un pessimisme anthropologique.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Idem.
Jean-François Lyotard, Le postmoderne expliqué aux enfants, Correspondance 1982-1985, (1988), Paris, Galilée, 2005, p. 36.