ii. L'évolution des « corps intermédiaires » et le processus de « professionnalisation de la politique » 162 :

Dès la fin des années 1970 l'on assiste en France à l'affaiblissement des « corps intermédiaires » (Durkheim), partis, syndicats, et organisations « qui autrefois structuraient le corps social et le politisaient, jouant comme autant d’instances de regroupement et de médiation, et bien sûr de cristallisation des luttes. » 163 Les structures traditionnelles de militance sont ébranlées dès le début de notre période, et le phénomène se prolonge aujourd'hui malgré une relative refonte d'une partie des organisations traditionnelles au sein de la nébuleuse altermondialiste. 164 Ainsi un sondage de Libération en février 2006 révèle que moins de 10 % du personnel des entreprises est désormais syndiqué. Le monde du travail fonctionne de moins en moins comme espace-temps de politisation pour les travailleurs, ce qui s'explique également par le nombre croissant de chômeurs qui perdent le lien avec leur ancienne attache syndicale en même temps que leur emploi, et la désertion des partis et syndicats modifie la structure des luttes et leur efficacité. Parallèlement, la constitution d’une classe de « fonctionnaires » qualifiés, gravitant dans l’orbite d’hommes politiques professionnels, aboutit pour les hommes politiques à une conception de la politique pensée sur le mode de l’administration de l’entreprise privée, gérée par des spécialistes. Et pour les citoyens s'accroît l'impression d'une sphère politique quasi autonome, hermétique – incompréhensible et totalement étrangère.

Notes
162.

Max Weber, Le savant et le politique, 10/18, UGE, Paris, 1982.

163.

Marine Bachelot, Pratiques et mutation du théâtre d’intervention aujourd’hui en France, Belgique et Italie, Mémoire de DEA sous la direction de Didier Plassard, Rennes 2, 2002, p. 27.

164.

Pour des développements sur ce sujet on pourra lire notamment les travaux de Sophie Béroult sur la CGT.