La référence explicite la plus fréquente pour justifier le changement d’ère pour la culture n’est pas l’effondrement de la perspective révolutionnaire mais l’Holocauste, qui paraît avoir à jamais bouché l’horizon de toute espérance en l’humanité et singulièrement de toute foi dans le rôle civilisateur de la culture pour un certain nombre d’intellectuels et d’artistes. Théodor Adorno avait ainsi affirmé en 1955 qu’« écrire un poème après Auschwitz est barbare, et ce fait affecte même la connaissance, ce qui explique pourquoi il est devenu impossible d’écrire après Auschwitz » 173 , précisant ensuite que ce propos provocateur visait moins l’art que la culture, bonne à jeter aux oubliettes de la modernité puisque « Auschwitz a prouvé de façon irréfutable l’échec de la culture. » 174 C’est donc une conception inédite de la culture qui va prévaloir désormais.
Theodor Adorno, Prismes. Critique de la culture et société, traduit de l’allemand par G. et R. Rochlitz, Payot, Paris, 1955, p. 26.
Theodor Adorno, La dialectique négative, traduit de l’allemand par Marc Jimenez, Payot, Paris, 1978, p. 348.