1. L’échec de la culture définie dans son articulation au progrès de la civilisation.

a. Renouveau de la référence à l’Holocauste dans les années 1980. « La Shoah », événement impensable, irreprésentable, déshistoricisé, origine d’une rupture radicale pour la politique et pour l’art.

Le changement de paradigme axiologique et l’avènement d’un monde post-moderne, post-humaniste, post-marxiste, post-politique, désillusionné, en rupture avec les espoirs passés et sur-conscient de la vacuité de tout espoir accréditent l’idée que l’on pourrait marquer le début de notre période au sceau d'un pessimisme politique voire d'une exaltation du nihilisme idéologique dont le théâtre se ferait la caisse de résonance. Rappelons encore une fois que cette interprétation de la Shoah comme remise en cause ne date pas des années 1940 mais des années 1950-1960. La pensée de Theodor Adorno est ensuite réactivée par Mai 68, qui renforce la référence au nazisme comme preuve de l'échec de la culture. Le rapport de la commission culturelle au Plan de 1971 mettait ainsi en exergue cette citation : « C'est dans l'Europe cultivée qu'est né le nazisme avec son scandaleux mépris de l'homme. » 175 Cette mise en doute du pouvoir civilisateur de la culture, de sa qualité de rempart contre la barbarie, potentiellement présente en tout homme, semble irrémédiable et informe donc la compréhension de l’évolution des politiques culturelles. L’Holocauste va ressurgir en force dans le paysage intellectuel des années 1980, mais l’évolution de l’horizon idéologique conditionne une signification nouvelle de la référence, tant pour ce qui concerne la pensée d’une possibilité du politique – ou la possibilité d’une pensée politique – que pour ce qui concerne la définition de l’art. Le film de Claude Lanzmann va à ce titre jouer un rôle considérable, jusque dans le changement de terminologie.

Notes
175.

Fernando Debesa, Unesco, 1970, Rapport de la commission des affaires culturelles : l'action culturelle. Commissariat Général au Plan, préparation du VIème Plan, 1971. Cité par Philippe Urfalino, L'invention de la politique culturelle, Paris, Pluriel, 2004, p. 277.