iii. La fin de l’art comme utopie.

Partant de la définition de l’utopie comme non-lieu et préfiguration d’un lieu futur, constitution d’un modèle théorique comme première étape de sa réalisation à venir, Yves Michaud voit l’évolution générale de la fin de l’utopie affecter l’art en particulier, se traduisant par la fin de l’articulation entre projet artistique et projet social émancipateur découlant d’une conception téléologique de l’histoire orientée vers un progrès – autrement dit, la fin de l’art moderne, qu’il situe des années 1905-1906 à l’épuisement des dernières avant-gardes dans les années 1975-1978 :

‘« Durant le XXe siècle artistique tout mouvement et tout innovation ou presque prendront l’étiquette d’un -isme, jusqu’au nouveau réalisme et au minimalisme des années 1950-1960. Ces mouvements, y compris les plus conservateurs comme le réalisme socialiste, mettent tous en avant des programmes formels de création formulés dans des manifestes, une ambition sociale et politique révolutionnaire qui s’exprime dans des manifestes, et ils s’accompagnent en général d’une métaphysique plus ou moins élaborée et systématisée de la vie et de la réalité. Leur existence même et la radicalité de leur ambition témoignent, chaque fois, d’une recherche de totalité et d’absolu poussée le plus souvent jusqu’à l’intolérance. […] Toutes ces démarches sont indissociables de conceptions fortes et explicites de la fonction politique, sociale et culturelle de l’art. On chercherait en vain un art moderne « apolitique », même et surtout quand l’art pour l’art est posé comme le principe de la création. » 181

Comment s’est opéré le passage d’un art moderne toujours politique à un art post-moderne et postpolitique ?

Notes
181.

Ibid, pp. 71-72.