iii. Le théâtre comme destruction de l’assise mentale du politique.

Là où la tragédie grecque constituait l’assise mentale du politique 361 , cette veine du théâtre contemporain prétend décrire sa destruction, et ce faisant œuvre à la détruire. La fonction critique du théâtre est radicalisée et dépolitisée, le regard sur le monde se fait à distance de la politique et à ras du réel, hors de toute ambition d’un regard cohérent sur le monde. La dramaturgie du texte et l’écriture scénique rompent donc naturellement avec l’esthétique aristotélicienne comme avec le théâtre épique :

‘« Viripaev n’écrit pas pour autant une pièce à thèse ni un texte manichéen, il accumule dans un rythme soutenu un trop plein de mots, une incroyable quantité d’arguments alambiqués et truffés de paradoxes. Il s’agit moins d’un texte à rendre absolument intelligible, que d’une partition, d’un canevas rythmique et énergétique qui déploie ses arguments face au monde sous la forme d’un concert au débit infernal. » 362

Dans le spectacle diffusé en France la dimension de « théâtre-concert » paraît être ce qui a retenu l’attention du metteur en scène, des programmateurs et du public. Il paraît donc important de s’intéresser spécifiquement à cette caractéristique du spectacle, et à questionner sa dimension politique.

Notes
361.

Formule de Christian Meier, in De la tragédie grecque comme art politique, trad. Marielle Carlier, Histoire, Les Belles Lettres, 1999. Nous développerons cette question de la référence au théâtre antique, essentielle pour penser la cité du théâtre politique oecuménique, dans la partie suivante.

362.

Galin Stoev, « Etranglement du sens », déjà cité.