La focalisation sur la réception sensorielle est une autre caractéristique de ce théâtre postpolitique, qui manifeste bien le rejet d’une cohérence et d’un discours critique articulé sur le monde. C’est ainsi que se trouve réactivée la référence à la performance, synonyme souvent d’une souffrance au présent, intransitive, et christique, réellement éprouvée sur la scène par l’acteur – et, par procuration, par le spectateur – L’artiste souffre pour le monde et souffre sans doute aussi parce qu’il ne peut changer le monde. Le spectacle Fées 381 de Ronan Chéneau, mis en scène par David Bobée, est écrit, mis en scène et interprété par des membres de la même génération que celle d’Oxygène, qui se définissent comme les « enfants des années 1970 coupables de ne pas savoir refaire le monde que leurs parents leur ont laissé. » 382 Cette équipe pourtant jeune peut être considérée comme l’enfant sage et mature de l’œuvre de Rodrigo Garcia. La distribution de la parole ne se répartit pas selon une logique de personnages, et l’écriture s’appuie également sur le principe des listes : liste de stars du grand et surtout du petit écran 383 ; liste de slogans publicitaires et politiques mélangés – le « ensemble tout est possible » 384 du candidat UMP à l’élection présidentielle de 2007 croisant le slogan « Just do it » de Nike 385 – ; liste des sigles, hiéroglyphes incompréhensibles qui cernent l’individu dans le monde contemporain, indéchiffrable 386 , et pourtant indépassable.
Ronan Chéneau, Fées, Besançon, Les Solitaires Intempestifs, 200. Mise en scène David Bobée, création CDN Caen, 2004, Théâtre de la Cité Internationale à Paris, mars-avril 2007.
Dossier de presse du spectacle.
Idem.
Slogan qui ne figure pas dans la version publiée mais a été rajouté lors des représentations au Théâtre de la Cité Internationale, en réponse à l’actualité de la campagne électorale.
Ronan Chéneau, Fées, op. cit., pp. 24-25.
Ibid., pp. 54-60.