L’espace scénique, organisé pour un rapport bi-frontal, est celui d’une salle de bain cernée par deux murs, les gradins sur lesquels les spectateurs se font face constituant les deux autres. Le spectateur est ainsi littéralement face à lui-même, tout en étant happé lui aussi par le présent de cet espace qui dit à la fois la réduction sur l’espace intime, et la solitude de l’unique personnage ayant un référent réel « un individu libre de race blanche, […] dans les 25/30, […] » 387 . Aucun ailleurs n’est permis, et c’est ce qui fonde la neurasthénie de cette jeunesse :
‘« Fée 2. - On dit cette génération prisonnière du présent. / Ce qui rend la situation peu enviable…Contradictoire, lucide et passive, cette jeunesse n’a pour horizon et pour ambition que l’univers artificiel d’une comédie musicale. Aucun ailleurs n’est possible. D’ailleurs, la bi-frontalité fait de la scène une arène, et contribue à faire de l’acteur un combattant, voire un martyre de l’absence de sens – les fées l’interrogent sans relâche sur la vacuité du sens de sa vie :
‘« Une fée, à l’homme. / Tu t’es levé… un jour / Tu t’es levé pour quoi faire ? / Tu as été microbe, animal / Vie cellulaire… / Pour quoi faire ? / […] / Homo sapiens / Pour quoi faire ? / […] / Tu as eu peur de la mort… / Tu as cherché le savoir / Tu as voulu le savoir… / Pour quoi faire ? Tu t’es levé / Un jour… / Tu t’es levé / Un jour sur tes deux pieds / Mais pour quoi faire ? / Pour quoi faire ? 391 ’Le sens est inaccessible, et toute velléité d’action est illusoire. « Décidément, nous serons pas des héros » 392 , martèle le personnage masculin. Et l’acteur parait expier cette faute, rédimer sa culpabilité, quand il s’expulse de sa baignoire utérine pour échouer pesamment sur le sol et s’y ébattre – s’y débattre plutôt, comme un poisson en manque d’oxygène, hors de son élément. Après une agonie en position fœtale, il réincorpore la baignoire, puis recommence et avorte à plusieurs reprises sa naissance au monde. Chaque fois le choc de son corps sur le sol est violent, et non simulé. De même, lors d’une autre séquence, par jeu enfantin, par cruauté enfantine, l’acteur jette avec force des balles sur l’une des fées, vise la tête, une jambe, un sein. Et marque à tout coup – le corps de la comédienne, couvert de bleus, porte d’ailleurs les traces des représentations précédentes.
Là encore le texte ne figure que dans le spectacle (et la feuille de salle du Théâtre de la Cité. )
Pour une raison de place, nous figurons ici le passage à la ligne par un slash.
Même chose.
Ibid., pp. 65-66.
Ibid., pp. 45-46. Ici encore, pour une raison de place, nous figurons ici le passage à la ligne par un slash.
Ibid., p. 41.