iv. De la revendication politique au discours millénariste.

Le spectacle épingle à plusieurs reprises les dérives totalitaires d’une droite musclée qui, en France comme aux Etats-Unis, fait de la peur et de l’insécurité son fonds de commerce. Une fée joue les Cassandre :

‘« Je veux CRIER / HAUT / Et FORT / […] / QUE ! NOUS ! / VIVONS ! / AU ! BEAU ! MILIEU ! / DU ! / CHAOS ! / LE PLUS ! / TYRANNIQUE ! / […] / LA PLUS MONSTRUEUSE / EPOQUE / SE PREPARE !!! / LA PLUS MONSTRUEUSE BARBARIE ! » 397

De même, une autre séquence prend des allures d’anticipation millénariste :

‘«  Comme ça / J’ai imaginé qu’en 2100 / Le monde serait libre / Qu’on y vivrait heureux / Mais d’abord ça aurait empiré / Bush / Après dix ans de guerre / Viendrait à bout de tous les intégrismes / Le monde serait / Propre / Parfaitement / Civilisé / Ce serait pour un temps / Le règne absolu du puritanisme / […] / Le couvre-feu planétaire / […] / plus personne ne sortirait le soir / la plupart des jeunes seraient à l’usine ou au bureau / […] / le sexe aurait été aboli / la musique aurait été abolie / les drogues auraient été abolies / le corps aurait été aboli / on aurait trouvé un moyen sûr d’éradiquer le mal / […] / toute différence abolie / […] / Et puis un jour, enfin, il y aurait : / La Révolution /En 2100 / La fin de la civilisation / Et le retour à la : préhistoire / Peut-être que ce serait ça : / Le vrai fond de la modernité / Que des hommes / Des femmes / Nus / Que des êtres humains / Seuls, ensemble / Dans le désert / Avec le vent / Les arbres… » 398

La révolution n’est pas pour demain, et qui plus est, elle n’est pensable que comme destruction de la civilisation. L’idée véhiculée par le spectacle est que le discours que l’on peut effectivement dans une certaine mesure qualifier de « révolutionnaire », aujourd’hui, est portée par la droite et plus seulement d’ailleurs par la droite extrême. Parce que du côté de la jeunesse, potentiellement porteuse des valeurs de la gauche, point de révolution possible. Parce que, comme le répète le personnage masculin, « sous les pavés, il n’y a plus la plage » 399 , et surtout parce que « je suis de mon temps, je suis un individualiste, c’est plus fort que moi… » 400

Notes
397.

Ibid., p. 84-85. Ici encore, nous figurons le passage à la ligne par un slash.

398.

Ibid., pp. 74-77. Même chose.

399.

Ibid., p. 41.

400.

Version du spectacle.