v. Un autre théâtre n’est pas possible… Et pourtant…

Le théâtre, l’art, sont jugés incapables de constituer une alternative, parce qu’ils ne sont pas ce qu’ils auraient pu être, ne jouent plus de rôle dans la société :

‘« Est-ce que tu t’y connais en théâtre ? / Est-ce que tu t’y connais en peinture ? / Est-ce que tu t’y connais en art ? / En littérature ? / […] / Non ? Eh bien ça n’a aucune importance… / Pour toi ça n’a aucune importance / Et encore moins pour nous / […] / Ce qu’il y a de plus important au monde / Ca aurait pu être / Le théâtre… / Ca aurait pu être / La peinture / Ca aurait pu être… / L’amour / […] /Le monde a besoin d’une fille docile prête à faire des ménages le dimanche / Sous-payée / Le monde a besoin d’une fille prête à se faire baiser / Le monde a besoin d’une fille qui sait compter jusqu’à dix / Pas d’une espèce de comédienne à la con ! » 401

Dans ce monde sinistre et désabusé, une lueur d’espoir vacille encore néanmoins, l’humour. A la séquence XVI, l’une des fées chante en prenant la webcam pour un micro. Son visage, déformé par le gros plan se reflète donc sur les murs de la salle de bain, tandis qu’elle chante, ou plutôt miaule avec une voix de fausset les paroles de la chanson de Nick Cave, Death is not the End, qu’elle tente de traduire, mal, à contretemps :

‘« Quand tu es triste et que tu te sens seul… / Et que tu n’as pas d’ami… / Souviens-toi que la mort n’est pas la fin !/ […] /Refrain : / […] / Pas la fin ! Pas la fin ! / Souviens-toi, que la mort n’est pas la fin ! / […] / Quand tu… / Et que… tu ne… / Souviens-toi que la mort n’est pas la fin ! / […] / Quand les cités sont en feu… / Avec la chair des hommes qui brûle… / Souviens-toi que la mort n’est pas la fin ! » 402

L’effet comique de cette séquence, naît du contraste entre le désespoir des paroles et les difficultés de la fée à chanter correctement les paroles, et est en quelque sort décuplé par le fait même qu’il ne masque que mal combien l’autodérision n’est qu’un maigre cache-misère face à l’étendue du désastre politique. Et le spectacle est émaillé de ces effets comiques plus ou moins consistants, mais qui tous renvoient au même constat. Au-delà de ce spectacle, le théâtre postpolitique, reflet d’un monde contradictoire et d’artistes englués dans un monde individualiste et qui ne peuvent plus concevoir l’engagement politique, se fait volontiers commentaire méta-discursif de sa propre impossibilité à changer le monde et même à le représenter.

Notes
401.

Ibid., pp. 50-51.

402.

Ibid., pp. 47-49.