2. Un théâtre de l’échec de l’humanité. L’œuvre de Edward Bond comme paradigme.

« Je me tiens à l'écart de la politique des théâtres (je suis trop absorbé par le théâtre politique pour me mêler de politicailleries ». 474 On note chez Edward Bond la même opposition que chez S. Braunschweig ou M. Touré entre le politique – occupation noble – et les bassesses de la politique réduite à des relations de pouvoir et d'intérêts. E. Bond nous paraît représentatif la définitions postpolitique du « théâtre politique » (appellation qu'il revendique) qui prévaut aujourd'hui, en ce qu'il jouit d'une importante renommée en France. En témoigne la longue collaboration de ce dramaturge avec le directeur du Théâtre National de la Colline à Paris Alain Françon, qui, depuis les Pièces de guerre en 1995, met régulièrement en scène les pièces de E. Bond dans son théâtre comme au Festival d'Avignon. Les représentations de Naître à La Colline en décembre 2006 ont été entourées de nombreux débats et rencontres, qui ont mis en lumière le crédit dont l'auteur jouit non seulement auprès du monde artistique mais de l'Education Nationale et du monde intellectuel :

‘« Pourquoi étudier, lire et jouer E. Bond à l'école ? » Table-ronde en partenariat avec le Ministère de l'Education Nationale. Avec Pascal Charvet, Inspecteur général de Lettres et de Théâtre au Ministère de l'Education Nationale, Alain Françon, Michel Vittoz, David Tuaillon, chercheur, dramaturge, Marion Ferry, professeur de Lettres, responsable de l'option théâtre au lycée Victor Hugo. Mercredi 13 décembre 2006. »’ ‘« Débat en partenariat avec Le Monde Diplomatique, animé par Dominique Vidal, rédacteur en chef adjoint du Monde Diplomatique avec Philip S. Golub, enseignant à l'Institut d'Etudes Européennes de l'Université Paris VIII et Jean Radvanyi, directeur de l'Observatoire des Etats post-soviétiques. Ces spécialistes de géopolitique seront invités à interroger le monde à la lumière des spectacles d'Edward Bond aux côtés d'Alain Françon et de Michel Vittoz. Dimanche 17 décembre 2006. »’

L’on pourrait s’étonner qu'une œuvre d'une violence aussi grande que celle de E. Bond soit conseillée aux lycéens, de même que l'on peut de prime abord être surpris de voir des spécialistes de géopolitique invités à interroger le monde contemporain à partir d'une œuvre qui se situe délibérément dans un futur apocalyptique. L'on doit donc à la fois constater qu'il s'agit d'une œuvre de référence et s'interroger sur les enjeux de cette élection. Pour mieux comprendre l'œuvre de E. Bond, nous avons fait le choix de nous appuyer essentiellement sur le long entretien accordé au Théâtre de la Colline à l'occasion de la création de Naître au festival d'Avignon 2006 475 , avant d'analyser son théâtre à partir des héritages qu'il revendique et qu'il conteste, notamment celui du théâtre épique brechtien.

Notes
474.

Edward Bond, « Lettre à Adrian Noble », trad. Jérôme Hankins et Séverine Magois, in L'énergie du sens. Lettres, poèmes, essais, textes réunis et présentés par Jérôme Hankins, Montpellier, éd. Climats et Maison Antoine Vitez, 2ème édition, 2000, p. 65.

475.

Nous verrons pourquoi il nous paraît important de prendre en compte la position de l’auteur la plus récente possible, afin de prendre en compte son évolution de 1989 à 2007.