iii. Fin de l'histoire et présentisme.

‘« Le problème est de savoir comment Babi Yar - et Auschwitz - ont pu être possibles. Les explications historiques et sociales n'expliquent rien, elles fournissent des causes qui auraient pu avoir des effets différents. Auschwitz n'a aucune histoire. Il existe toujours au présent. Auschwitz est le berceau dans lequel nous endormons nos enfants. » 488

La remise en question du marxisme et la référence à l'apocalypse technologique (Hiroshima) de l'humanité (Auschwitz) nourrit un présentisme paradoxal chez E. Bond. En effet, alors que le concept élaboré par F. Hartog décrit un présent qui semble s'ouvrir sur un avenir infini de la démocratie libérale, E. Bond semble se situer dans l'envers de ce mythe et met en scène l'infinie horreur, véritable au-delà de l'apocalypse, non-temps et non-lieu dont témoigne la séquence du Crime du XXI e siècle paradoxalement intitulée « le site » :

‘« Autrefois les tyrans transformaient l'histoire mais en ce / temps il n'y avait pas de tyrans - pas d'histoire / - pas de besoin - pas d'origine / […] / L'espèce humaine mourut / Et donc des prisons furent construites / […] / Maintenant le mirage dans le désert n'est plus une oasis / de fontaines et de palmiers / Mais les gibets - les fosses - les ombres enchaînées au mur / […] / Un jour l'humanité est morte / Il n'y avait pas de futur - nulle part - pas d'origine […] » 489

Le travail sur la concordance des temps et les adverbes trouble la référence temporelle et mine de l'intérieur la tentative de chronologie, de sorte que passé et futur s'invalident mutuellement, ne laissant qu'un présent qui n’a pas de fin, qui n'a plus ni terme ni sens en vue, dans un monde où la possibilité même du politique est annihilée par l'absence de lien interhumain.

Notes
488.

Edward Bond, Auprès de la mer intérieure (At the Inland Sea, 1997). Trad. Catherine Cullen et Stuart Seide. Paris, L'Arche, 2000.

489.

Le Crime du XXIe siècle, op. cit., pp. 85-87. Nous figurons le passage à la ligne par un slash.