3. La violence comme esthétique, ou la rupture du pacte avec le spectateur.

Au delà de l'aggro-effect théorisé par E. Bond, nombreuses sont les dramaturgies et les écritures scéniques contemporaines qui ne conçoivent plus le théâtre comme lieu de représentation mais de présentation d'une cérémonie rituelle expiatoire. « Scène barbare » 538 , « brutopie » 539 , « spectacles à l’estomac » 540 , ou « esthétique du coup de poing » 541 , les qualificatifs abondent pour décrire cette esthétique théâtrale. Toutes ces formules sont centrées sur le type d’affect que ce théâtre vise à provoquer chez le spectateur et suggèrent que l’enjeu n’est plus de susciter la réflexion et le plaisir mais, comme premier temps de la réception du moins, un choc physique. Si ce théâtre est postpolitique sur le plan dramaturgique au sens où il est post-épique, sur le plan scénique et anthropologique il peut être qualifié d'anté-politique au sens où il se situe avant la fondation de la représentation politique et théâtrale. Cette tendance d'un certain théâtre contemporain qui ne représente plus le monde mais présente la violence d'un réel post-apocalyptique, est relayée par d'importants ouvrages critiques qui font la part belle à ce théâtre post-humain. C'est pourquoi nous souhaitons à présent nous intéresser plus précisément à la littérature critique ainsi qu'à la place du spectateur programmée par ces dramaturgies et écritures scéniques, et aborder ce théâtre postpolitique sous l'angle de l'esthétique de la réception.

Notes
538.

Elisabeth Angel Perez, Voyages au bout du possible, op. cit., p. 13.

539.

Brutopia est le titre de l’une des pièces de Howard Barker.

540.

Formule de Jean-Pierre Han à propos de Jan Fabre. Jean-Pierre Han, « La fausse querelle d'Avignon », Les Lettres Françaises, Paris, 2005.

541.

Traduction du titre de l’ouvrage de Aleks Sierz, In-yer-face Theatre, London, Faber and Faber, 2001.

« Violent et impudique, le théâtre coup-de-poing agresse le spectateur retranché dans le confort anonyme de la salle. Souvent hyperréaliste, il s’élabore dans une esthétique de l’abjection dont le dessein est de choquer. » Elizabeth Angel Perez, in « L’humain au fil de la trame : Edward Bond et la nécessité du théâtre », op. cit., p. 700.